L’intronisation vendredi soir de l’écrivain Ailton Krenak à l’Académie Brésilienne des Lettres (ABL) “ne ressemblait à rien de ce qui avait été vu auparavant” au sein de la plus importante institution linguistique et littéraire du Brésil, note O Globo.

Le poète et activiste, célèbre pour ses œuvres critiquant le colonialisme et le système capitaliste, “a brisé le moule en improvisant une grande partie de son discours d’investiture et en portant un bandana indigène” avec son nouvel habit d’académicien, raconte le quotidien brésilien. La cérémonie organisée à Rio de Janeiro a aussi vu son protocole autrefois rigide agrémenté de chants autochtones et d’une présentation de danseurs aux coiffes de plumes.

Dans son discours, l’auteur du recueil “Idées pour retarder la fin du monde”, publié en 2019, a promis de mettre en lumière les quelque 200 langues indigènes du Brésil. Retraçant cinq siècles de souffrances des peuples autochtones depuis l’arrivée des colonisateurs européens, il a jugé insuffisantes les premières excuses officielles du gouvernement brésilien, formulées mardi par une commission du ministère des Droits Humains. “Demander pardon après coup ne signifie pas grand-chose en termes de réparation. La vraie réparation, c’est à travers des actes”, a-t-il scandé, sous les applaudissements.

Ailton Krenak a également poussé un cri d’alarme face à la destruction de l’environnement, qualifiant l’humanité de “sapiens prédateur”.

Une institution critiquée pour son manque de diversité

“Contrairement à ce qui se passe habituellement dans ce type de cérémonie, Krenak a prononcé un discours marqué par […] les digressions, évitant de lire le papier qu’il avait” devant lui, souligne la Folha de São Paulo. “La marque, même, de sa production littéraire”, estime le journal. “Dans son discours, il a justement souligné l’importance de cette tradition : ’Nous sommes des héritiers depuis des temps immémoriaux. Et tout ce que nous en savons nous vient par le biais du discours oral’”, a-t-il remarqué.

Ailton Krenak a été élu à l’Académie Brésilienne des Lettres en octobre, pour occuper l’un des quarante sièges, laissé vacant après le décès de l’historien Murilo de Carvalho. Longtemps critiquée pour son manque de diversité, l’ABL a tenté d’y remédier ces dernières années. En 2022, le célèbre chanteur noir Gilberto Gil y a notamment été intronisé.