Rennes : découverte dans une poubelle antique d’une mystérieuse Vénus exceptionnellement bien conservée

Rennes : découverte dans une poubelle antique d’une mystérieuse Vénus exceptionnellement bien conservée
À Rennes, des fouilles menées par l'Inrap sur le site d'une carrière d'extraction de schiste d'époque gallo-romaine a permis de mettre au jour une statuette de Vénus exceptionnellement bien conservée. © Emmanuelle Collado, Inrap

À l’occasion d’une fouille de sauvetage, une carrière de schiste, exploitée aux Ier et IIe siècles, a été mise au jour à Rennes. Parmi les objets prélevés sur le site, une petite statuette représentant la déesse Vénus intrigue les archéologues. 

En amont d’un projet immobilier, les archéologues de l’Institut national pour les recherches archéologiques préventives (Inrap) ont exploré, rue d’Antrain, à Rennes (Ille-et-Vilaine), une parcelle de 3250 m² située à la lisière nord de la ville antique, Condate. Là, est apparue, sur une profondeur de deux mètres, une carrière d’extraction de schiste de l’époque gallo-romaine, ou, du moins, un segment, puisque d’autres parties se trouvent vraisemblablement sous l’école voisine. Parmi les objets mis au jour sur le site, compte une petite statuette de Vénus particulièrement bien conservée.

La première carrière gallo-romaine fouillée sur le territoire rennais

Son exploitation a débuté au Ier siècle de notre ère, quand l’occupant romain a décidé d’élever une cité à la confluence de l’Ille et de la Vilaine, dans le cadre de la nouvelle organisation administrative voulue par Auguste. Et elle s’est poursuivie pendant tout le siècle suivant. De cette carrière, ont été extraites des petites plaquettes de schiste vert tendre destinées à la construction des soubassements de nombreux murs et rues de la ville.

Vue aérienne du chantier de fouille 61-65 rue d’Antrain à Rennes ©Myphotoagency / Thibault Beguet

Vue aérienne du chantier de fouille 61-65 rue d’Antrain à Rennes ©Myphotoagency / Thibault Beguet

Cette découverte est d’autant plus importante que peu de carrières en activité ont été identifiées pour l’époque gallo-romaine. En fait, seule celle de Locuon à Ploërdut, dans le Morbihan, est suffisamment bien conservée pour avoir été étudiée. « C’est extrêmement rare de trouver des vestiges de ce type. En effet, les carrières pouvaient être exploitées à l’époque médiévales, et, dans ce cas, tous les vestiges ont été détruits », explique Nicolas Ménez, responsable scientifique des fouilles.

La fouille de tels sites fournit aux archéologues une foule d’informations sur les outils des carriers, leurs gestes et leurs méthodes d’extraction, mais aussi sur l’organisation et la gestion de la carrière (stratégies d’extraction, évolution du front de taille, aménagement en paliers successifs).

Fragment d'une statuette de Vénus déesse-mère, d'époque gallo-romaine, découvert sur le site de fouilles de la rue d'Antrain à Rennes par les archéologues de l'Inrap. © Emmanuelle Collado, Inrap

Fragment d’une statuette de Vénus déesse-mère, d’époque gallo-romaine, découvert sur le site de fouilles de la rue d’Antrain à Rennes par les archéologues de l’Inrap. © Emmanuelle Collado, Inrap

Le dépotoir devenu trésor

Au cours du IIIe siècle, la carrière de la rue d’Antrain semble avoir été abandonnée, se transformant en dépotoir où les habitants du quartier venaient jeter toutes sortes d’objets et de débris. Ainsi, le déblaiement du site a livré des dizaines de kilos de fragments de vaisselle en céramique, plusieurs statuettes de divinités en terre cuite, des monnaies et des éléments de parure. « On retrouve le quotidien des Rennais à l’époque gallo-romaine, des objets de leur vie de tous les jours, c’est vraiment intéressant », commente Nicolas Ménez. La fosse est entièrement comblée à la fin du Moyen Âge, et diverses activités artisanales se développent alors sur le site qui devient, au XVIIIe siècle le jardin d’un couvent.

Dégagement du dépotoir d'un atelier de potiers sur le chantier de fouilles de la rue d'Antrain à Rennes, dirigé par l'Inrap © Sandrine Lalain, Inrap

Dégagement du dépotoir d’un atelier de potiers sur le chantier de fouilles de la rue d’Antrain à Rennes, dirigé par l’Inrap © Sandrine Lalain, Inrap

Une surprenante Vénus sortie de terre

Parmi les vestiges prélevés, une petite statuette en terre cuite a plus particulièrement attiré l’attention des archéologues. Mesurant une dizaine de centimètres de haut, elle représente la divinité de l’amour et de la beauté gréco-romaine, suivant le type dit de la Vénus anadyomède ou « sortant des eaux ». Le sujet, hérité de l’Antiquité et largement exploité depuis par les artistes et poètes, dérive du mythe de la naissance de la déesse qui serait née de la mer fécondée par les organes génitaux d’Ouranos, coupés par Kronos. « On trouve régulièrement ce genre de statuettes au cours de nos opérations de fouille, mais elles sont rarement aussi bien conservées, et aussi particulières que celle-ci », explique Nicolas Ménez.

Petite statuette de Vénus anadyomène, d’époque gallo-romaine, découverte sur le site de fouilles de la rue d'Antrain à Rennes par les archéologues de l'Inrap. © Emmanuelle Collado, Inrap

Petite statuette de Vénus anadyomène, d’époque gallo-romaine, découverte sur le site de fouilles de la rue d’Antrain à Rennes par les archéologues de l’Inrap. © Emmanuelle Collado, Inrap

Comme le veut la tradition iconographique, Vénus apparaît ici nue, tenant de la main gauche un vêtement ou une serviette tandis qu’elle porte sa main droite à ses cheveux. Une attention spécifique a été portée à sa coiffure, particulièrement élaborée, qui permettrait de dater l’objet de la fin du Ier siècle ou du début du IIe siècle. La qualité et la nature de cette statuette, qui aurait été utilisée dans le cadre d’un culte domestique, jurent bien évidemment avec l’ensemble du mobilier mis au jour lors des fouilles du dépotoir. Découverte sur la couche la plus ancienne du site, elle aurait été déposée volontairement au fond de la carrière. L’analyse de l’objet, étonnamment bien conservé, va notamment se concentrer sur l’identification et le prélèvement d’éventuellement traces de polychromie.

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