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    18/04/2024

    « C’est une honte »

    Le policier Yves Milla, accusé de violences intra-familiales et protégé par le boss de l’Unsa, relaxé en appel

    Par Lina Rhrissi

    La cour d’appel de Metz a relaxé le policier Yves Milla ce 18 avril 2024. Le meilleur ami du boss de l’Unsa Olivier Varlet avait été condamné en première instance pour des violences sur sa femme et ses enfants. Il a échappé au conseil de discipline.

    Après l’institution policière, c’est la justice qui est finalement clémente avec Yves Milla. Le 18 avril 2024, la cour d’appel de Metz a relaxé le policier de 47 ans délégué à l’Unsa police. Elle a estimé qu’il n’y avait pas assez d’éléments, malgré le fait que son ex-femme Véronique et leurs deux enfants l’accusent d’étranglements, de coups et de menaces. Abattue, la mère de famille ne souhaite pas s’exprimer. Elle a désormais quatre mois pour saisir la Cour de cassation (1). « C’est une honte ! Le message qu’on envoie, c’est que les policiers peuvent faire ce qu’ils veulent tant qu’il n’y a pas de témoins », commente un membre de l’association SOS Fonctionnaire Victime.

    Dans le délibéré que StreetPress a pu consulter (2), la juridiction a notamment estimé que « M. Milla a reconnu une éducation “stricte et rude” par opposition à une attitude maternelle plus laxiste » et que les enfants « ne mentionnent pas de fessées, claques, tirages de cheveux ou autres gratuits mais consécutifs à des bêtises qu’ils ont pu faire, des désobéissances ou des retards exagérés dans l’exécution de certaines consignes paternelles ou des réprimandes liées au travail scolaire ».

    À LIRE AUSSI : Le boss de l’Unsa Police aurait couvert son meilleur ami policier accusé de frapper sa femme et ses enfants

    Olivier Varlet reconnaît avoir protégé son ami

    Le 17 juillet 2023, le major Yves Milla, alors en poste à la police aux frontières (Paf) de Thionville (57), est condamné par le tribunal correctionnel pour six ans de violences sur ses deux enfants et son ex-conjointe. Il écope alors de 18 mois de prison avec sursis et le retrait total de son autorité parentale. Mais il a donc fait appel de la décision. Le patron du syndicat Unsa Police Olivier Varlet, son meilleur ami, est venu témoigner en sa faveur au procès en appel.

    Dans une enquête publiée en mars dernier, StreetPress avait révélé comment ce dernier l’avait protégé pour qu’Yves Milla échappe à la sanction administrative. Afin de lui éviter le conseil de discipline dans le Grand Est, le leader syndical a organisé sa mutation à Paris (75), au sein de la direction des ressources humaines des finances et des soutiens (DRHFS).

    « La DRHFS c’est le grand manitou RH de la police. Tout transite par là et le directeur est un interlocuteur privilégié des syndicats. Donc si tu veux faire éviter un conseil de discipline voire une sanction à l’un de tes apôtres, tu le fous à la DRHFS et tu négocies directement l’étouffement du dossier », expliquait un haut responsable syndical.

    Suite à notre article, Olivier Varlet a confirmé nos informations dans les colonnes du Républicain lorrain. « Ce qui m’est reproché, c’est de l’avoir rapatrié à Paris mais lorsque je l’ai récupéré, il était au bord du suicide », a-t-il déclaré au quotidien régional le 7 mars 2024. Auprès de nos confrères, le boss de l’Unsa police a continué à défendre son copain :

    « C’est un conflit entre deux ex-époux. Jamais je ne l’ai vu lever la main sur ses enfants. »

    Une enquête administrative étouffée

    Contactée par StreetPress le 16 avril 2024, soit plus d’un mois après nos révélations, la Direction générale de la police nationale (DGPN) nous apprend qu’il n’y a eu aucune sanction ni aucun conseil de discipline prévu à l’ordre du jour pour le cas Yves Milla. Le policier est resté désarmé et écarté de toute relation au public mais il dispose toujours d’une décharge d’activité à titre syndical.

    Si Olivier Varlet tient tant à étouffer l’enquête administrative – qui a été transférée à Paris en même temps que l’agent –, c’est qu’elle révélerait des viols envers Véronique qui impliqueraient d’autres agents, susceptibles d’emmener l’affaire au pénal. Ces faits auraient eu lieu à l’époque où Yves Milla était à la CRS 38 de Mulhouse (68), entre 2009 et 2016. À au moins trois reprises, selon Véronique, son mari aurait fait venir un de ses collègues chez eux pour qu’il ait un rapport sexuel avec elle, devant lui.

    « [Olivier Varlet] a peur de se retrouver mêlé à un scandale sexuel », nous avait confié un haut responsable syndical qui a eu vent de ce dossier : « Il n’a peut-être rien fait d’illégal à titre personnel, mais il sait que l’affaire peut lui retomber dessus. C’est pour ça qu’il fait tout pour étouffer le scandale et couvrir son pote. »

    Avant d’être dessaisi, le directeur zonal de la Paf en charge de l’enquête administrative aurait fait un signalement au parquet de Thionville pour des faits de viols – donc pénalement répréhensibles. Contacté à plusieurs reprises au sujet de cette nouvelle procédure, le parquet n’a pour l’instant pas répondu à nos sollicitations.

    Illustration de Une de Caroline Varon.

    (2) Edit le 18/04 à 16h14 : Rajout du paragraphe sur le délibéré de la justice.

    _(1) Edit le 19/04/24 : Au lendemain de la relaxe, le 19 avril 2024, le procureur général de Metz a annoncé à Franceinfo se pourvoir en cassation. Le parquet général souhaite que la Cour de cassation se prononce sur la conformité du « droit de correction » avec le droit français.

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