Pourquoi Washington a décidé de sanctionner toute une unité de l’armée israélienne

Funérailles d’un jeune Palestinien tué par l’armée israélienne à Ramallah, en Cisjordanie, le 21 avril 2024. ©AFP - Zain JAAFAR / AFP
Funérailles d’un jeune Palestinien tué par l’armée israélienne à Ramallah, en Cisjordanie, le 21 avril 2024. ©AFP - Zain JAAFAR / AFP
Funérailles d’un jeune Palestinien tué par l’armée israélienne à Ramallah, en Cisjordanie, le 21 avril 2024. ©AFP - Zain JAAFAR / AFP
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L’annonce de sanctions américaines contre l’unité Netza Yehuda de l’armée israélienne, qui opère en Cisjordanie, a provoqué la colère du gouvernement de Netanyahou.

Cette unité est accusée de violations des droits de l’homme, et la mesure vise à marquer la fin de l’impunité face à la violence des colons et d’éléments de l’armée en Cisjordanie.

Au moment même où le Congrès approuvait une aide à Israël de 26 milliards de dollars, l’administration Biden faisait savoir qu’elle allait sanctionner pour la première fois une unité entière de l’armée israélienne : opérant en Cisjordanie occupée, elle est accusée de violations des droits humains.

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Benyamin Netanyahou a qualifié la mesure d’« absurde » et a promis de s’y opposer par tous les moyens. D’autres membres de sa coalition ont été plus virulents pour dénoncer carrément un « acte antisémite » !

Il faut dire que, non seulement, c’est sans précédent, mais c’est aussi une unité hautement symbolique : le bataillon Netza Yehuda, c’est son nom, est constitué de soldats ultra-orthodoxes ayant grandi dans des familles religieuses, et il opère dans les territoires occupés. C’est donc une unité homogène, fondée à la fin des années 90, et dont ses commandants ont pu dire par le passé qu’elle avait une « mission sainte en Judée-Samarie », le nom biblique de la Cisjordanie.

Sa réputation est toutefois entachée de scandales et d’abus, à commencer par la mort, il y a deux ans, d’Omar Abdalmajeed As’ad, un Palestinien de 80 ans, détenteur d’un passeport américain. Le vieil homme avait été arrêté à un barrage militaire, menotté, et laissé dans le froid jusqu’à son décès. Son sort pèse lourd dans les sanctions d’aujourd’hui.

La mesure de Washington, qui doit encore être détaillée, signifie principalement que cette unité ne pourra bénéficier d’aucun soutien américain. C’est surtout symbolique, mais il est à noter que les États-Unis ont eu recours à la loi Leahy qui, dans les années 90, avait été votée pour lutter contre les violations des droits de l’homme par des groupes paramilitaires en Amérique latine. Qu’une unité de Tsahal soit assimilée à une milice en dit long sur les reproches qui lui sont faits, et sur le caractère humiliant de la mesure.

C’est aussi le reflet de ce qui se passe en Cisjordanie pendant que l’attention est focalisée ailleurs, à Gaza ou sur la confrontation avec l’Iran. Américains et Européens ont alerté sur l’augmentation de la violence des colons, protégés par l’armée, à l’encontre des civils palestiniens. Oliviers arrachés, maisons et véhicules incendiés, et confiscations de terres par l’administration israélienne. C’est ce contexte, aussi, que visent les sanctions.

Elles n’ont pas encore d’impact, car les premières sanctions, prises par les États-Unis, suivis par les Européens, n’ont visé jusqu’ici qu’une poignée de colons particulièrement extrémistes.

Mais le message est plus profond : il vise à montrer aux dirigeants israéliens, ceux d’aujourd’hui, mais surtout ceux de demain, et à l’opinion publique, que l’impunité n’est plus possible en Cisjordanie. Il était temps, car la Communauté internationale a fermé les yeux alors que la colonisation, illégale au regard du droit international, n’a cessé de se développer. La crédibilité d’un processus politique dans l’« après-guerre » est à ce prix.

Bentzi Gopstein, un conseiller du ministre d’extrême droite de la Sécurité nationale, a pris conscience du message lorsqu’il a voulu payer dans une station-service avec sa carte de crédit. La carte avait été bloquée, car il figure sur la liste des colons violents sanctionnés par les États-Unis. C’est peu de choses, face à l’ampleur de la catastrophe, mais c’est nouveau après des décennies d’impunité.

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