Alcool, cannabis, cigarette électronique : les jeunes Européens en consomment… trop

L’alcool reste de loin la substance la plus consommée chez les adolescents. Plus de la moitié (57%) des jeunes de 15 ans a essayé l’alcool au moins une fois et près de 40% d’entre eux ont affirmé avoir bu de l’alcool dans les 30 derniers jours. Environ un adolescent sur dix (9%), toutes tranches d’âge confondues, a connu une ivresse importante – au moins deux fois – au cours de sa vie, un taux qui grimpe de manière alarmante de 5% à l’âge de 13 ans à 20% à l’âge de 15 ans, ce qui démontre une tendance à l’escalade de l’abus d’alcool chez les jeunes.

Catherine Paradis, responsable technique à l’OMS Europe dans l’Unité "Alcool, drogues illicites et santé pénitentiaire" n’est pas surprise, mais s’inquiète : "C’est toujours un résultat qui demeure préoccupant. Dans cette enquête, ce qui ressort encore une fois c’est que l’alcool reste la substance la plus couramment consommée chez les adolescents." 

Ce constat répété a des conséquences sur la santé : "On sait que ces substances psychoactives ont un impact sur le développement du cerveau des jeunes. C'est la raison pour laquelle on doit se préoccuper de cette situation", s'inquiète la responsable de la thématique au bureau européen de l'Organisation Mondiale de la Santé. 

A l’école, si tu ne bois pas, en ce moment, t’es bizarre. C’est ça le problème

A la sortie d’une école secondaire de la Région bruxelloise, les commentaires de jeunes confortent les résultats. Une jeune fille trouve qu’on devrait beaucoup plus en parler : "C’est aussi un peu l’effet de groupe. Je me suis dit "pourquoi pas", mais j’avais abusé, quoi… J’ai beaucoup vomi, j’étais vraiment malade et tout pendant quelques jours, oui. Ça m’a dégoûtée, j’arrivais même plus à m’en approcher."

Selon l’OMS, ces résultats soulignent à quel point l’alcool reste disponible et normalisé, et montrent qu’il est urgent de prendre de meilleures mesures politiques pour protéger les enfants et les jeunes des méfaits de l’alcool.

Et pour la Belgique ? "La moyenne de jeunes qui rapportent une consommation d’alcool est plus élevée que la moyenne générale. Par exemple, à 15 ans, ce sont 62% des garçons et 61% des filles qui ont déjà bu de l’alcool et 25% des garçons et 24% des filles qui rapportent avoir tenté de boire au point de se saouler, d’être ivres. Ces chiffres sont vraiment supérieurs à la moyenne des pays étudiés", souligne Catherine Paradis.

En Belgique, la vente d’alcool est interdite avant 16 ans pour les bières et vins et 18 ans pour les alcools plus forts.

Si l’alcool reste la substance la plus fréquemment consommée chez les jeunes, les cigarettes électroniques occupent la tête des préoccupations de l’Organisation Mondiale de la Santé. Les cigarettes électroniques sont devenues plus populaires que les cigarettes conventionnelles chez les adolescents, avec 32% des 15 ans admettant les avoir essayées au moins une fois et 20% signalant une utilisation récente. En comparaison, 25% des jeunes de 15 ans ont déjà essayé les cigarettes traditionnelles et 15% en ont consommé dans les 30 derniers jours.

Ça me choque plus de voir des gens sans puffs qu’avec

Cette transition vers la cigarette électronique s’observe dès l’âge de 13 ans : 11% des jeunes de 13 ans déclarent avoir déjà fumé une cigarette, contre 16% qui ont déjà utilisé une e-cigarette. L’OMS se montre préoccupée par cette augmentation de la consommation de tabac et prône des interventions ciblées pour répondre à ce nouveau problème de santé publique, "notamment en ciblant le placement de produits nocifs dans les jeux vidéo, les programmes de divertissement et d’autres contenus destinés aux jeunes par le biais de plateformes multimédias".

Au niveau du cannabis, la consommation des jeunes est en légère diminution, bien que plus d’un jeune de 15 ans sur dix (12%) déclare avoir déjà consommé cette substance. En 2018, ils étaient 14% à s’être essayé au cannabis.

L’étude de l’Organisation Mondiale de la Santé révèle également un changement important dans les habitudes de consommation de substances des adolescents, qui remet en question les normes traditionnelles en matière de genre. Historiquement, la consommation de substances psychoactives était plus fréquente chez les garçons que chez les filles, mais le paysage est en train de changer.

À l’âge de 15 ans, "les filles ne se contentent pas de rattraper les garçons, mais les dépassent dans certains cas", note Catherine Paradis. "Cela concerne le tabagisme, pour lequel une différence notable à l’âge de 11 ans disparaît complètement à l’âge de 15 ans". De même, pour l’utilisation de l’e-cigarette, pour laquelle les filles dépassent les garçons ; et la consommation d’alcool, pour laquelle les filles affichent des taux marginalement plus élevés.

Face aux constats de cette nouvelle étude préoccupante, l’OMS tire la sonnette d’alarme : "L’utilisation généralisée de substances nocives chez les enfants dans de nombreux pays de la Région européenne – et au-delà – constitue une grave menace pour la santé publique. Étant donné que le cerveau continue de se développer jusqu’au milieu de la vingtaine, les adolescents doivent être protégés des effets des produits toxiques et dangereux", a déclaré le docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l’OMS pour l’Europe.