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"Chaque jour est une calamité" : la sous-culture de la catastrophe dans les quartiers défavorisés de Séoul

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Vidéo GEO : D'ici 2050, le nombre de décès humains dus à la chaleur extrême pourrait quintupler selon le "compte à rebours" du Lancet

Une étude de l'université du Kansas montre que les habitants des jjokbang-chon (quartiers défavorisés) de Séoul sont si habitués à vivre le désastre au quotidien qu'ils ont développé une "sous-culture de la catastrophe" qui façonne leur perception du changement climatique (Int. Journal of Social Welfare).

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La Cour constitutionnelle de Corée du Sud a entamé ce mardi 23 avril 2024 l'examen d'une affaire visant le gouvernement, accusé de ne pas avoir protégé 200 personnes – dont des dizaines de jeunes militants écologistes et d'enfants – en ne s'attaquant pas au changement climatique (Reuters).

Mais comment voit-on le changement climatique lorsque l'on vit dans un placard ? En coréen, jjokbang (de jjok "divisé" et bang 'pièce, chambre') désigne un type d'habitation se résumant à une pièce d'environ six mètres carrés dépourvue de toilettes, de salle de bains et de cuisine, mais aussi de chauffage et de climatisation – dans un pays où le froid est pourtant mordant et la chaleur étouffante.

Joonmo Kang, ethnologue à l'université du Kansas (États-Unis), a vécu une année dans l'un des jjokbang-chon ou 'villages de jjokbang' de la capitale Séoul afin de mener des entretiens avec les habitants de ce type de quartier défavorisé – dont il est lui-même originaire – au sujet de leur perception du climat et du rôle de l'aide sociale (International Journal of Social Welfare, 13 février 2024).

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Rester assis et ne pas bouger

Face à la chaleur extrême, l'un d'eux explique qu'il reste assis et essaye simplement de ne pas bouger. D'autres avouent qu'ils renoncent à se rendre dans les centres de climatisation ouverts par les autorités, jugeant ceux-ci trop éloignés – l'effort à fournir pour s'y rendre l'emportant alors sur la fraîcheur de ces refuges.

"Tout au long de l'année, les quatre saisons sont remplies de détresse ; chaque jour est une calamité. Quand chaque jour est comme ça, quand chaque jour est une calamité, quand notre vie quotidienne est une calamité, le temps n'a pas d'importance. Ce n'est pas comme si l'été ou l'hiver devenaient particulièrement difficiles", confie un autre résident (communiqué de l'université du Kansas).

Néanmoins, plusieurs personnes interrogées ont déclaré que vivre dans un jjokbang était préférable à leurs expériences antérieures en tant que sans-abri. Et ce, même si les propriétaires ne les autorisent pas à installer des systèmes de refroidissement autres que des ventilateurs – de toute façon incompatibles avec le système électrique ou la configuration des logements.

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"Cette recherche s'est concentrée sur la manière dont les gens donnent un sens aux conditions météorologiques extrêmes. Les résultats ont révélé qu'ils ont développé une 'sous-culture de la catastrophe'", souligne l'auteur de l'étude. "L'une des principales choses que j'ai constatées, c'est que même s'il a été largement rapporté que ces conditions de vie peuvent être un véritable enfer, les gens m'ont dit : 'C'est comme ça'. Cela m'a vraiment frappé."

"Ces personnes ont un pouvoir d'action et nous devons les écouter"

De l'avis d'un travailleur social interrogé, "C'est peut-être aussi leur façon de nous dire : 'Je fais de mon mieux pour m'adapter' (…) Se trouvant coincés dans cette situation pendant une longue période, ils peuvent s'y être habitués ou même avoir développé une tolérance parce qu'ils ne peuvent pas changer leur réalité, ce qui conduit à un sentiment d'acceptation, comme un haussement d'épaules de résignation."

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Joonmo Kang évoque la métaphore de la grenouille qui, plongée dans une casserole d'eau chauffée progressivement jusqu'à devenir bouillante, ne saute pas avant d'être cuite – à la différence près que les personnes vivant dans des conditions extrêmes, elles, peuvent s'exprimer et donc donner des indices sur la manière d'aborder le problème.

"Les personnes qui vivent ces expériences sont les mieux placées pour savoir. Elles ont un pouvoir d'action et nous devons les écouter", prône l'ethnologue. Et de suggérer : "Leur propre vision de la vulnérabilité et de la réalité ne semblait pas correspondre à ce qui était objectivement vrai. Cela montre que nous devons nous pencher sur la réalité quotidienne et les causes profondes, et sur les raisons pour lesquelles les gens vivent dans ces conditions."

Dans le cadre de ses travaux en cours et futurs, le chercheur projette d'étudier la manière de défendre les intérêts des communautés marginalisées et de leur donner les moyens de s'attaquer aux problèmes climatiques qui les touchent au quotidien.

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