Romain Gary parle de sa mère, figure centrale du roman autobiographique "La Promesse de l’aube". Au micro de Patrice Galbeau, il évoque ses rapports avec elle et son enfance à Nice.
Malgré sa naissance en Pologne, ses origines russes, ses voyages diplomatiques, son histoire d’amour américaine et sa vie parisienne, Romain Gary refuse de se définir comme un citoyen du monde. Cette expression, explique-t-il à Patrice Galbeau, autant que la notion de cosmopolitisme, ne trouve guère de résonnance à ses oreilles. Et quand bien même il aurait parcouru le monde entier, il ne se sent chez lui qu’à Nice, ville qui l'a vu grandir.
"J’ai été élevé à Nice, mes premières amitiés se sont faites à Nice, la première fille que j'ai aimée était à Nice. C’est à Nice que je me sens toujours mieux. Je suis très méditerranéen."
Mina Kacew, mère “légendaire”
A Nice, sa mère élève seule Romain Gary. Cette histoire d’amour maternelle est le cœur même du roman La Promesse de l’aube qui dépeint un personnage extraordinaire, visionnaire, animé par le dessein qu’elle envisage pour son fils, qui doit “devenir un homme”. Le choix de la France comme terre d’accueil n’est pas un hasard dans des années 1920 très francophiles. Mais pour Mina Kacew, c’est surtout une évidence, la première étape du parcours hors du commun que finit par réaliser Romain Gary et qu’elle avait imaginé pour lui. Pourtant, selon l’écrivain, cette mère n’a rien d’exceptionnel et si elle est “légendaire” ce n’est que par les légendes qu’elle se construit toute seule. Non sans affection, mais dans un ton plein d’humour, Romain Gary en fait, dans ses confidences à Patrice Galbeau, une “emmerdeuse”, qui l’a maintes fois embarrassé.
"Quand je me trouvais au lycée, devant un professeur qui m'avait mal noté, ma mère disait : “ Vous êtes un imbécile intégral, vous ne comprenez rien à rien.” Je me souviens de voir devant le lycée de Nice ma mère avec sa canne, arrêtant un professeur malheureux, un professeur de mathématiques. J'étais complètement nullard en mathématiques, il n'y a pas un professeur au monde qui aurait pu tirer quelque chose de moi à cet égard. Ma mère lui est tombée dessus en disant “Ce n'est pas mon fils qui a besoin d'être en quatrième ou en troisième. C'est vous qui devriez y retourner pour apprendre les choses élémentaires que l'on doit enseigner aux enfants."
Une course contre la vie
Néanmoins, pour Romain Gary, le sujet de la Promesse de l’aube n’est pas tant son rapport à sa mère qu’une question hautement plus personnelle, à savoir son rapport à la vie et sa course contre celle-ci. En raison de l’exposition intime dans ce livre, il explique s'être beaucoup interrogé avant la publication de celui-ci, car cela le confrontait à une certaine vulnérabilité. Il souhaitait en faire le porte-étendard de son combat pour la justice.
Son adaptation au cinéma, en 1970, par Jules Dassin, est en cela un sujet délicat. Le cinéaste n’aurait pas respecté le contrat autobiographique en attribuant au personnage du jeune Romain Gary des propos qu’il n’aurait jamais tenus. Une “trahison” sur laquelle il revient.
"Il y a une scène entre ma mère et moi, où moi, je dis à ma mère : "Maman, je ne veux pas être juif." Excusez-moi, c'est franchement dégueulasse. Si Monsieur Dassin a des problèmes avec sa juiverie, ça le regarde, qui ne me le mette pas sur le dos."
Rediffusion d’un "A voix nue" diffusé pour la première fois le 10 janvier 1994, à partir des enregistrements de l'émission de Patrice Galbeau, "La Vie entre les lignes" réalisée en 1973 par Evelyne Frémy.
Attachée de production : Daphné Abgrall
Réalisation : Marie-Ange Garrandeau et Vanessa Nadjar
Coordination : Sandrine Treiner
Pour aller plus loin
Romain Gary, le nomade multiple. Interview avec André Bourin, France Culture, 1969.
Bibliographie sélective
Œuvres sous le pseudonyme d’Emile Ajar
- Gros-Câlin (Mercure de France, 1974).
- Pseudo (Mercure de France, 1976).
- La vie devant soi (Ed. Gallimard, 1982).
- L'angoisse du roi Salomon (Ed. Gallimard, 1987).
- Tulipe (Ed. Calmann-Lévy, 1946).
Œuvres sous le nom de Romain Gary
- Éducation européenne. Première parution de l'œuvre traduite en langue anglaise est parue, à Londres, en 1944, sous le titre Forest of anger. (Ed. Gallimard, 1956)
- Les couleurs du jour (Ed. Gallimard, 1952).
- Les racines du ciel.** Prix Goncourt, 1956 (Ed. Gallimard, 1956).
- La promesse de l'aube (Ed. Gallimard, 1960).
- Lady L. (Ed. Gallimard, 1963).
- Europa (Ed. Gallimard, 1972).
- Les enchanteurs (Ed. Gallimard, 1973).
- La nuit sera calme. Entretiens avec François Bondy (Ed. Gallimard 1974).
- Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable (Ed. Gallimard, 1975).
- Clair de femme (Ed. Gallimard, 1977).
- Charge d'âme (Ed. Gallimard, 1978).
- Les clowns lyriques. Nouvelle version de l'ouvrage paru en 1952 sous le titre Les couleurs du jour (Ed. Gallimard, 1979).
- Les cerfs-volants (Ed. Gallimard, 1980).
- La tête coupable. Première parution en 1968 (Ed. Gallimard, 1980).
- Les mangeurs d'étoiles. Première parution en 1966 (Ed. Gallimard, 1981).
- Vie et mort d'Émile Ajar (Ed. Gallimard, 1984).
- Le grand vestiaire. Première parution en 1949 (Ed. Gallimard, 1985).
- Les trésors de la mer Rouge. Première parution en 1971 (Ed. Gallimard, 2009).
- Légendes du je. Récits, romans. Édition de Mireille Sacotte (Ed. Quarto Gallimard, 2009).
- Le sens de ma vie. Entretien. Préface de Roger Grenier (Ed. Gallimard, 2014).
- Romans et récits, tome I.** Édition publiée sous la direction de Mireille Sacotte (Ed. Gallimard, Collection Bibliothèque de la Pléiade, 2019).
- Romans et récits, tome II.** Édition publiée sous la direction de Mireille Sacotte (Ed. Gallimard, Collection Bibliothèque de la Pléiade 2019).
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