"On m’a dit que je ne marcherai plus jamais" : l'Ukraine face aux handicapés de guerre

Oleksander Popyk fait partie des nombreux blessés de guerre ukrainiens ©Radio France - Agathe Mahuet
Oleksander Popyk fait partie des nombreux blessés de guerre ukrainiens ©Radio France - Agathe Mahuet
Oleksander Popyk fait partie des nombreux blessés de guerre ukrainiens ©Radio France - Agathe Mahuet
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En Ukraine, des combats au front qui s’éternisent… et des blessures à vie. On croise partout dans les rues du pays d’anciens soldats amputés, portant des prothèses, ou bien se déplaçant en fauteuil roulant. Mais le pays est-il prêt à faire face à tant d’handicapés de guerre ? Pas sûr.

Oleksandr Popyk a toujours ses deux jambes. Mais elles ne répondent plus, depuis un an et demi. Dans son fauteuil roulant, chez lui, il raconte son arrivée à Bakhmout, dès le début de la guerre. Blessé une première fois, il est hospitalisé pour trois mois, mais au bout de cinq jours, Oleksandr coupe lui-même son plâtre et retourne au front.

Un trou de 17 centimètres dans la colonne vertébrale

En octobre 2022, cette fois, c’est grave : en plein assaut, il est atteint par le tir d’un char. "Ça m’a fait un trou de 17 centimètres dans la colonne vertébrale : la moelle épinière est touchée", raconte-t-il. Pris en charge à Dnipro, puis à Kiev, et jusqu’en Pologne, les médecins lui retirent une partie des éclats de son corps, mais le diagnostic est clair : "On m’a dit que je ne marcherai plus jamais", déplore Oleksandr.

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Oleksandr soudain se tord de douleur, en silence. Il enfonce très fort sa main dans sa cuisse. La souffrance lui déforme le visage. "C’est normal", dit-il. "C’est tout le temps comme ça. J’ai des spasmes, des crampes, en permanence. Tous les jours, depuis un an et demi. Je ne dors plus jamais correctement, ni la nuit, ni le jour, malgré les somnifères", se désole l'ancien soldat.

"L’État s’en fout !"

Les médicaments ? Il en prend plein, mais ce qui l’aide vraiment, c’est la moto. "Je continue d’en faire ! Même dans cet état : ma femme me scotche les jambes sur la moto, et c’est parti : je fonce", raconte-t-il. Pour calmer ses souffrances, il lui faudrait un neuro-stimulateur. Mais cela coûte 17.000 euros, "et l’État s’en fout ! Je dois trouver cette somme moi-même", assure Oleksandr.

Oleksandr bataille déjà pour toucher sa pension d’invalidité et réaménager sa maison, faire une rampe d’accès, pour son fauteuil. La salle de bain ? C’est son épouse et ses amis qui l’ont refaite : supprimé le bac de douche, surélevé le lavabo. "On a payé tout ça de notre poche. L’État, quand tu es au front, a besoin de toi ! Mais si tu en sors handicapé, plus personne ne s’occupe de toi", dénonce-t-il.

Des soldats en fauteuil, comme lui, il en connaît beaucoup. Pour lui, l’Ukraine n’est pas prête, face à ce défi-là. Mais si c’était à refaire ? Il y retournerait. Sa femme, Katia, dit qu’elle ne le laisserait pas repartir. "C’est assez comme ça. Il a déjà trop souffert", dit-elle. Oleksandr, pourtant, insiste, sa place est au front ! "Mettez-moi des chenilles sur mon fauteuil", dit-il "et je repars à l’assaut."

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