Coulommiers : "mon fils est autiste asperger, se fait harceler et c'est le drame de notre famille"

Plus d'un élève par classe serait victime de harcèlement scolaire. C'est le cas de Noa*, 15 ans, autiste asperger et lycéen à Coulommiers. Un drame qui touche toute la famille. 

Les parents se sentent totalement démunis face à la maltraitance que subit leur fils.
Les parents se sentent totalement démunis face à la maltraitance que subit leur fils. ©ILLUSTRATION/AdobleStock
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« Je suis épuisée ». Cette mère d’un ado de 15 ans, diagnostiqué autiste asperger, scolarisé au lycée de Coulommiers et harcelé depuis le CP, est à bout. Nous l’appellerons Christine*. Son fils ? Va pour Noa*. Il ne s’agit pas de leurs vrais prénoms mais, par peur des représailles, ces habitants de Nanteuil-lès-Meaux ont préféré garder l’anonymat. 

Il faut briser le silence

La mère d’un enfant harcelé

Les mains tremblantes, Christine* a tout de même souhaité témoigner du calvaire que vit sa famille depuis des années. Car, aujourd’hui, cette mère au bord du désarroi ne veut plus se taire.

« Je ne suis pas seule, des dizaines de parents d’élèves sont concernés. Il faut briser le silence », remarque-t-elle, la voix chevrotante. Une sorte de MeToo scolaire. Une goutte d’eau dans un océan de maltraitance ? Peu importe. Son intention : briser l’omerta.

Le bouc-émissaire idéal

Tout commence alors que Noa* n’a que 6 ans. « Sous la douche, je découvre mon fils rempli de marques sur le corps, raconte Christine, de la buée dans ses yeux cernés. Quand je lui ai demandé ce qu’il s’était passé, Noa* m’a répondu que des élèves l’avaient frappé et que sa sœur aînée était venue le sauver. Il a employé le terme « sauver », ça m’a glacé. » Premier coup de poignard dans le cœur de cette mère qui, même si elle l’ignore encore, vient de rentrer dans la spirale infernale du harcèlement. « J’ai su par la suite que dix gamins l’avaient couché par terre, lui avait fait manger de l’herbe et l’avaient rué de coups », poursuit-elle.

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Le tort de Noa* ? Sa différence. Le garçon gère mal ses émotions, encore moins ses frustrations, ce qui génère des problèmes de comportement. « Quand quelque chose le dérange, il est obnubilé par ça, il n’arrive pas à se concentrer, parfois il va crier, faire du bruit pour déranger, adopter un comportement violent physiquement ou verbalement. Il sort les choses telles qu’elles lui viennent, sans filtre », explique la mère de famille.

Le bouc émissaire idéal pour les élèves de sa classe. Après une année de CE2 catastrophique, le garçon poursuivra son CM1 et son CM2 en ITEP, institut thérapeutique pour les enfants avec des problèmes de comportements. Une bulle d’oxygène pour toute la famille. « Tout s’est alors très bien passé, c’était rassurant, mon fils avait une scolarité comme les autres. Un véritable soulagement. » 

Reprise des sévices

Une accalmie de courte durée puisque, dès l’entrée en 6e, à Meaux, les sévices reprennent, particulièrement en 5e alors que les rapports avec son professeur principal sont conflictuels. « On est retombé dans la spirale, souffle Christine*. C’était le summum. Un jour, je reçois un coup de fil du proviseur me demandant de venir chercher Noa* pour la sécurité des autres et pour la sienne. En fouillant dans le téléphone de mon fils, je découvre un véritable harcèlement sur les réseaux sociaux. » 

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A ce moment-là, la famille décide de porter plainte et de changer l’élève d’établissement. Il terminera le collège à Nanteuil. « Alors, là, chapeau bas à l’équipe. Il a été encadré. Bien sûr, il y a eu des hauts et des bas mais comme tout ado de son âge. Il commençait même à avoir des copains. Une élève l’avait harcelé mais elle avait rapidement été renvoyée de l’établissement. »

Si les choses semblent enfin être prises en main, l’entrée au lycée va, à nouveau, mal se passer. Violences physiques, règlements de compte, menaces de mort, pour la famille de Noa*, la coupe est pleine. Aujourd’hui déscolarisé, le lycéen occupe ses journées devant les écrans, au grand damne de ses parents qui, de plaintes en lettres à l’académie, ne savent plus comment réagir. « Il ne veut plus aller au lycée. De toute façon, j’ai peur qu’il aille en cours et son psy lui conseille d’ailleurs de ne pas y retourner avant la fin de l’année scolaire. On  n’avance pas. La cellule harcèlement scolaire n’est jamais disponible. On a fait tout ce qu’on pouvait. On se sent complétement seuls et démunis. » 

Idées noires

Au delà du traumatisme qui mure Noa* dans le silence et dans des idées noires, c’est la famille entière qui est impactée. « Ma fille qui a 19 ans aujourd’hui le vit mal. Personnellement, je ne dors plus de peur qu’il fasse une bêtise. Cette situation génère de grosses tensions dans notre couple. On marche sur des œufs. » 

Alors, sur les conseils de leur assistante juridique, la famille compte se faire conseiller par un avocat afin de faire prévaloir leur plainte pour « non respect de la loi sur le harcèlement ». 

Et Christine* de conclure : « C’est dégueulasse (sic). C’est vrai que Noa* n’a pas un comportement facile, n’a peut-être pas les bonnes attitudes, mais ce n’est pas une raison pour s’acharner comme ça sur lui. Les professeurs ne sont pas formés pour aider les élèves différents. Les élèves qui ont un handicap physique commencent à peine à être acceptés mais les élèves avec un handicap mental ? N’ont-ils pas droit à une scolarité comme n’importe quel enfant ? » 

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Alors que, récemment, des incidents violents dans les établissements scolaires ont conduit à des drames, Nicole Belloubet était interrogée le 22 avril au sujet du nouveau plan de sécurisation, sur le plateau de Télématin.  » Le ‘pas de vague’ c’est terminé, nous prenons nos responsabilités « , a t-elle déclaré.

Après les annonces, les parents de Noa* attendent maintenant les actes.

*Les prénoms ont été modifiés

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