Cinq ans après l’intronisation de l’empereur Naruhito, le 1er mai 2019, le Japon peine toujours à assurer une succession durable du trône du Chrysanthème. La dynastie régnant sur le pays depuis deux millénaires compte aujourd’hui 17 membres seulement, dont trois hommes autorisés à succéder à l’empereur âgé de 64 ans.

L’actuel empereur n’a pas de fils, « seulement » une fille Aiko, âgée de 22 ans. Aussi, sauf modification des règles de succession, le prince Hisahito, 17 ans et neveu de l’actuel empereur, est susceptible de devenir le dernier héritier mâle du trône, avec comme responsabilité d’avoir au moins un fils. Sans cela, la plus ancienne dynastie du monde cessera d’exister.

Alors que 90 % des Japonais se disent favorables à la possibilité de voir une femme monter sur le trône (selon un sondage publié au début du mois), les conservateurs au pouvoir s’y refusent. Ils soutiennent plutôt l’idée d’une réhabilitation des descendants masculins issus des branches de la famille impériale désanoblies il y a soixante-dix-sept ans.

Les femmes bannies du trône

L’ordre de succession du trône du Japon dispose que seuls les « descendants mâles légitimes de la lignée mâle » peuvent monter sur le trône. Une règle expressément définie pour la première fois en 1889 et durcie en 1947 par l’abolition du système des concubines.

La loi exclut les femmes descendantes de l’empereur et leurs enfants de la succession. Autrement dit, le fils d’une sœur d’un empereur ne peut pas prétendre au trône. Bien que huit femmes aient été impératrices par le passé (la dernière en 1771), la totalité des 126 monarques japonais, masculins ou féminins, étaient ainsi issus de la filiation paternelle. Un argument mis en avant par les conservateurs qui estiment qu’accorder aux femmes les mêmes droits de succession que les hommes pourrait aboutir à faire monter sur le trône une autre dynastie.

Cette crise de succession remonte en fait au début des années 2000, alors qu’aucun garçon n’est né dans la famille impériale depuis 1965. La princesse Masako, aujourd’hui impératrice, « échoue » à donner naissance à un héritier au trône avec son époux Naruhito.

Tentatives de réforme

En 2005, le gouvernement japonais réunit un groupe d’experts afin d’étudier des possibilités pour assurer une succession stable à la famille impériale. Celui-ci recommande alors d’accorder un droit de succession du trône aux femmes et à leurs descendants, de permettre une primogéniture égalitaire entre fille et garçon et d’autoriser les membres féminins qui épousent des roturiers à conserver leur statut impérial.

En 2006, le gouvernement affirme préparer un projet de loi pour permettre aux femmes d’accéder au trône. Jusqu’à ce que la venue au monde du prince Hisahito, dans la famille du frère de l’empereur en septembre 2006, ne conduise à un arrêt brutal de la réforme envisagée. Le projet de loi est alors abandonné en 2007 par le premier ministre de l’époque, Shinzo Abe.

Le débat resurgit en 2016, lorsque l’empereur Akihito exprime publiquement son désir d’abdiquer pour laisser le trône à son fils aîné Naruhito. Après l’avènement de ce dernier le 1er mai 2019, le gouvernement missionne à nouveau un groupe d’experts pour étudier des réponses à la crise de succession et éviter l’extinction de la dynastie.

En 2021, le panel d’experts a remis un rapport au premier ministre Fumio Kishida, recommandant la conservation du statut impérial des femmes après leur mariage, sans leur accorder le droit de succession du trône, ou encore la réhabilitation des descendants d’empereurs issus de branches désanoblies en 1947.

Une proposition approuvée par tous les partis politiques du pays, y compris le Parti libéral-démocrate (droite conservatrice au pouvoir) qui a jugé les dispositifs « nécessaires », le 26 avril, dans un avis transmis aux présidents des deux chambres du Parlement. Le sujet doit être mis à l’ordre du jour d’une prochaine réunion du Parlement, prévue mi-mai.