Les autorités ont évacué plusieurs camps à Tunis (image d'illustration). Crédit : Imago
Les autorités ont évacué plusieurs camps à Tunis (image d'illustration). Crédit : Imago

Plusieurs centaines de migrants ont été évacués de force, vendredi, des campements où ils vivaient, devant les sièges du Haut-commissariat aux réfugiés (HCR) et de l'Organisation mondiale des migrations (OIM). Selon le Forum tunisien des droits économiques et sociaux, des personnes ont été emmenées vers la frontière algérienne.

Dans la nuit du jeudi 2 au vendredi 3 mai, plusieurs centaines de migrants subsahariens ont été expulsés de campements installés devant les locaux de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et du Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés (HCR) à Tunis.

"Au moins 300 migrants, dont des réfugiés et demandeurs d'asile, des femmes et des enfants, ont été évacués par la force la nuit dernière", a indiqué Romdhane Ben Amor du Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES), soulignant que "des dizaines d'autres ont pris la fuite auparavant, par crainte d'opérations de déportation".

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Sans confirmer les évacuations, le ministère de l'Intérieur tunisien a diffusé un communiqué mentionnant des "opérations de sécurité" destinées à "faire face à des atteintes à la sécurité publique, à la protection des biens publics et privés".

Un campement d'environ 500 personnes

Le ministère a aussi diffusé une vidéo montrant des policiers extraire des migrants de tentes et en détruire certaines et des agents d'entretien ramassant des déchets et remettant en ordre un parc. Sur une autre séquence, des dizaines d'exilés marchent en rangs serrés en pleine nuit dans une rue, vers une destination inconnue, sous contrôle étroit de la police.

Selon le FTDES, trois campements improvisés, installés depuis au moins l'été dernier devant les sièges du HCR et de l'OIM ainsi que dans un jardin dans la zone du Lac, ont été vidés de leurs occupants.

Entre 500 et 700 personnes y vivaient sans eau courante, ni électricité, ni sanitaires, beaucoup après avoir été chassées de leur logement et travail au cours des mois ayant suivi un violent discours anti-migrants en février 2023 du président tunisien Kaïs Saïed.

Expulsions vers l’Algérie

Selon une chercheuse tunisienne interrogée par InfoMigrants, parmi ces personnes se trouvaient des jeunes réfugiés de l’ancien centre de Choucha, ouvert en 2011 par le HCR pendant la guerre en Libye. Le site avait accueilli jusqu'à 18 000 personnes au pic de la crise. Après la fermeture du centre, les jeunes avaient occupé une Maison de jeunesse à La Marsa. "On a appris dans le week-end qu’un groupe d’une dizaine de ces jeunes étaient en prison, mais on ne sait pas encore pour quelles raisons", a indiqué la chercheuse.

Le FTDES a, de son côté, recueilli des témoignages de personnes ayant été expulsées vers la frontière algérienne. Des autocars encadrés par la police ont emmené les personnes pour "les transférer vers la frontière algérienne […] Mais un certain nombre ont réussi à s'enfuir avant d'arriver dans la région de Beja" (nord-ouest), proche de l'Algérie, a indiqué Romdhane Ben Amor, le porte-parole de l’organisation.

L'ONG "est inquiète sachant que parmi eux il y a des populations vulnérables (...) des gens ayant besoin d'assistance médicale, qui vivaient déjà dans des conditions inhumaines depuis des mois", a-t-il ajouté.

Vider Tunis

Selon Romdhane Ben Amor, ces opérations font directement suite à une réunion jeudi à Rome des ministres de l'Intérieur d'Italie, Tunisie, Algérie et Libye. Le 17 avril, la Première ministre italienne Georgia Meloni s'est également rendue à Tunis, pour la quatrième fois en un an.

Pour la chercheuse contactée par InfoMigrants, elles surviennent aussi alors que des discours de plus en plus virulent des politiques à l’encontre des migrants sont visibles sur les réseaux sociaux.

L’objectif de ces expulsions pourrait être de vider la ville de Tunis de ces exilés, comme cela avait été fait en septembre dans le centre-ville de Sfax.

La Tunisie est l'un des principaux points de départ avec la Libye de l'émigration clandestine vers l'Italie. Au cours du premier trimestre 2024, plus de 21 000 personnes parties des côtes tunisiennes ont atteint l’Italie, a déclaré fin avril à la radio Mosaïque FM le porte-parole de de la Garde nationale tunisienne, Houssam Eddine Jebabli.

De nombreux candidats au départ n'atteignent également jamais leur destination. Le 23 avril, les autorités tunisiennes ont annoncé que 22 corps de migrants avaient été retrouvés dans la région de Sfax. Le lendemain, 14 dépouilles de migrants morts noyés ont été retrouvés sur les côtes de l’île de Djerba, au sud du pays.

 

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