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Amnesty International fustige des frappes meurtrières de l'armée somalienne avec des drones turcs

L'ONG réclame une enquête pour de possibles «crimes de guerre». En mars, des frappes ont touché une ferme près du village de Bagdad et tué au moins 23 civils

Des forces de sécurité somaliennes patrouillent devant l'hôtel SYL (attaqué par les shebabs) à Mogadiscio, en décembre 2019. (Image d'illustration) — © Farah Abdi Warsameh / keystone-sda.ch
Des forces de sécurité somaliennes patrouillent devant l'hôtel SYL (attaqué par les shebabs) à Mogadiscio, en décembre 2019. (Image d'illustration) — © Farah Abdi Warsameh / keystone-sda.ch

Deux frappes de l'armée somalienne avec des drones turcs ont tué en mars dernier 23 civils, dont 14 enfants, a dénoncé mardi dans un rapport Amnesty International. Ces frappes ont touché le 18 mars une ferme près du village de Bagdad dans la région du Bas Shabelle (sud), faisant en outre 17 blessés, selon l'organisation de défense des droits humains.

Selon des habitants interrogés par Amnesty, «les frappes de drones faisaient suite à d'intenses combats au sol» entre les islamistes radicaux shebab et les forces de sécurité somaliennes.

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Des membres de l'ONG ont interrogé douze personnes, dont des victimes, leurs proches et des témoins, et analysé des images satellite et des photos de fragments d'armement pour établir que des bombes et des drones Bayraktar TB-2 de fabrication turque avaient été utilisés.

Une enquête pour de possibles «crimes de guerre» réclamée

Mohamed Ali Deerey, qui a perdu son jeune frère et son neveu de 9 ans dans l'attaque, a dit à Amnesty avoir couru vers la ferme après avoir entendu la première explosion, juste avant la deuxième frappe. «C'était le chaos. Il y avait des cris, du sang, et des corps partout au sol», a-t-il rapporté, cité par Amnesty.

Selon l'ONG, les cinq familles touchées par les frappes appartenaient à une communauté somalienne marginalisée.

«En Somalie, les civils ont trop souvent supporté le poids des souffrances de la guerre. Ces morts atroces ne doivent pas être négligées», souligne le directeur régional d'Amnesty, Tigere Chagutah, dans le rapport. «Les gouvernements somaliens et turcs doivent enquêter sur ces frappes meurtrières en tant que crime de guerre.»

La Turquie, un partenaire économique et militaire de la Somalie

En mars, le gouvernement somalien avait dit avoir mené une opération visant les shebab dans cette zone, sans mentionner de victimes civiles. «Plus de trente (djihadistes) ont été tués lors d'une opération menée conjointement avec nos forces armées et nos partenaires internationaux», avait indiqué le ministère de l'Information dans un communiqué le 19 mars.

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Amnesty a indiqué avoir sollicité en vain les gouvernements somalien et turc pour de plus amples informations.

Ankara, qui entretient des relations étroites avec la Somalie, est son principal partenaire économique et en matière de coopération militaire. La Somalie abrite également la plus grande base militaire et centre de formation à l'étranger de la Turquie, selon les médias turcs.

Les shebab mènent depuis 2007 une sanglante insurrection pour tenter de renverser le gouvernement somalien soutenu par la communauté internationale et instaurer la loi islamique. Une offensive menée depuis août 2022 dans le centre du pays par l'armée et des milices claniques, avec l'appui aérien de l'armée américaine et de la force de l'Union africaine dans le pays (Atmis), avait permis de reconquérir des territoires, avant de marquer le pas.