Pourquoi les deux tiers des aires marines dites protégées ne le sont pas vraiment

Une étude internationale explique pourquoi il ne faut attendre aucun bénéfice pour la biodiversité de la part de la grande majorité des aires marines protégées dans le monde.

Poissons en Indonésie
Des lutjanidés dans le parc national marin de Wakatobi, à Sulawesi (Indonésie) ©BelgaImage

Le 19 décembre 2022, la COP15 sur la biodiversité a abouti sur un accord historique approuvé par 196 pays. D'ici 2030, 30% de la planète devra être protégée. Un accord qui concerne aussi bien les zones terrestres (dont 15,9% ont déjà ce statut de protection en mai 2023) que celles maritimes (8,2% sont dans le même cas). Le problème, c'est que la majorité des aires marines protégées (AMP) ne sont en réalité... pas si protégées que ça! C'est la conclusion d'une grande étude internationale publiée ce 9 mai 2024 dans la revue Conservation Letters et qui a analysé les 100 plus grandes AMP du monde, ce qui représente 90% de l'ensemble des réserves mondiales. Les dérives sont nombreuses et seule une minorité de ces zones assure véritablement la conservation de la biodiversité, estiment les chercheurs.

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"Ces aires marines protégées n’ont de protégé que le nom"

Comme le note le CNRS français, qui a participé à cette étude, un quart des AMP prises en compte est dépourvue de réglementation et de gestion et un tiers autorise des activités industrielles comme la pêche commerciale à grande échelle. Interrogé par RFI, Joachim Claudet, chercheur au CNRS, explique que l'on peut ainsi retrouver dans ces AMP "de l’extraction minière, de l’extraction pétrolière". "Il peut y avoir du chalutage, or, le chalutage de fond est un engin très peu sélectif et abrasif sur les habitats, donc en fait, ces aires marines protégées n’ont de protégé que le nom", ajoute-t-il. Il s'avère au final que seul un tiers de ces zones sont réellement efficaces pour sauvegarder la biodiversité.

Autre gros problème: ces AMP, surtout les plus grandes, se situent très régulièrement au beau milieu des océans, dans des zones extrêmement reculées de toute terre émergée. Autrement dit, les régions où les activités humaines ont le plus d'impact sur la faune et la flore marine sont le plus souvent dépourvues de toute protection. "Dans des zones extrêmement peuplées, le but n’est pas de faire des aires marines protégées géantes qui excluent tout type d’activité, mais il faudrait faire ce qu’on appelle des réseaux d’aires marines protégées, donc des petites aires marines protégées de protection intégrale, qui permet des activités de pêche au milieu par exemple", déclare Joachim Claudet.

"Ces résultats suggèrent que les méthodes actuelles d’évaluation et de suivi surestiment la quantité au détriment de la qualité de la protection fournie par les AMP", concluent les chercheurs. Leur conclusion est implacable: il faut "une mise en application plus stricte des normes du guide des AMP afin que toutes les zones répondent aux normes internationales". Ils suggèrent donc que les autorités "ne prennent plus en compte les AMP dont le niveau de protection est inconnu ou insuffisant, d’étendre les AMP à l'ensemble des écosystèmes marins et de ratifier le traité international de protection de la haute mer en y incluant seulement les AMP offrant un niveau de protection élevé".

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