Les forces de sécurité ont pris d’assaut samedi soir 11 mai la Maison de l’avocat à Tunis et arrêté Sonia Dahmani, avocate et chroniqueuse, après des propos sarcastiques sur la situation du pays, au moment même où elle s’exprimait en direct sur la chaîne France 24.

La chaîne d’information en continu, dont des journalistes étaient sur place pour couvrir le mouvement de soutien à l’avocate, a dû interrompre son émission. La chaîne a vivement protesté dans un communiqué contre l’attitude des policiers encagoulés qui, selon elle, « se sont ensuite dirigés vers l’équipe de la chaîne, lui intimant de couper la caméra sous les vives protestations de Maryline Dumas », la journaliste sur place.

En vertu du décret-loi 54

« Les policiers ont fini par arracher violemment la caméra de son trépied, mettant fin à la diffusion de la scène en direct, et ont arrêté Hamdi Tlili. Le caméraman a été relâché après une dizaine de minutes et la correspondante de France 24 va bien », a ajouté la chaîne.

L’avocate fait l’objet d’une enquête notamment pour diffusion de « fausses informations dans le but de porter atteinte à la sûreté publique » et « incitation à un discours de haine », en vertu du décret-loi 54.

Ce décret, promulgué en septembre 2022 par le président Kaïs Saïed, punit de peine de prison jusqu’à cinq ans quiconque utilise les réseaux d’information et de communication pour « rédiger, produire, diffuser (ou) répandre de fausses nouvelles (…) dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou de porter préjudice à la sécurité publique ».

« De quel pays extraordinaire parle-t-on ? »

Mardi, lors d’une émission de télévision, Sonia Dahmani avait lancé d’une façon ironique « de quel pays extraordinaire parle-t-on ? », en réponse à un autre chroniqueur qui venait d’affirmer que les migrants venus de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne cherchaient à s’installer en Tunisie. Cette déclaration a été jugée par certains utilisateurs sur les réseaux sociaux comme « dégradante » pour l’image de la Tunisie.

En un an et demi, plus de 60 personnes parmi lesquelles des journalistes, des avocats et des opposants à Kaïs Saïed ont fait l’objet de poursuites sur la base de ce texte, selon le Syndicat national des journalistes. Selon l’organisation non gouvernementale Amnesty International, les autorités ont intensifié la répression contre la dissidence et engagé des poursuites, sur la base d’accusations dénuées de tout fondement, contre des personnalités de l’opposition et d’autres personnes ayant critiqué le régime.

« Des dizaines de manifestants pour la justice sociale et l’environnement ont été injustement poursuivies en justice, ajoute l’association de défense des droits humains. L’indépendance de la justice, l’obligation de rendre des comptes et le droit à un procès équitable ont continué d’être mis à mal. »