Des milliers de personnes ont commencé mercredi soir à bloquer un important carrefour à Tbilissi, paralysant la circulation dans les quartiers centraux de la capitale. «Nous descendons dans la rue jour après jour depuis plus d’un mois et nous ne reculerons pas tant que cette loi russe ne sera pas abrogée», a déclaré à l’AFP Anuka Liparteliani, une étudiante de 19 ans. «Et à l’automne, nous chasserons ce gouvernement pro-russe», a-t-elle ajouté, en référence aux élections législatives prévues en octobre.
Plusieurs ministres étrangers font partie du cortège
Les ministres des Affaires étrangères de l’Estonie, de l’Islande et de la Lituanie, en visite dans le pays, se sont joints à la marche vers le lieu de la manifestation, avant de s’adresser à la foule en signe de solidarité avec les manifestants. «Nous sommes ici pour soutenir les aspirations du peuple géorgien à faire partie de l’Union européenne et de l’Otan», a déclaré à l’AFP le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis. «Nous sommes à leurs côtés, ils ne sont pas seuls, leurs inquiétudes sont entendues, ils sont soutenus», a-t-il ajouté.
L’hymne national de la Géorgie et l’Ode à la joie de l’Union européenne ont été interprétés lors du rassemblement. Des manifestations contre la loi ont également eu lieu dans les villes de Kutaisi et Tsalenjikha, dans l’ouest du pays.
Liberté d’expression et d’association menacée
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, au nom de la Commission européenne, a appelé la Géorgie à «retirer» cette loi, jugée contraire aux «valeurs» et aux «normes essentielles» de l’UE. Son vote a «un impact négatif» sur le processus d’adhésion de cet Etat à l’UE, a-t-il souligné dans un communiqué. La Géorgie est officiellement candidate à l’entrée dans l’Union européenne depuis décembre 2023. Elle aspire également à rejoindre l’Otan, dont la porte-parole, Farah Dakhlallah, a dénoncé sur X une mesure qui l'«éloigne» de son «intégration européenne et euro-atlantique».
Les 27 membres de l’Union européenne ne sont toutefois pas parvenus à trouver un accord sur un texte commun, en raison de l’opposition de la Hongrie et de la Slovaquie, selon des diplomates à Bruxelles. La Hongrie de Viktor Orban est parmi les pays de l’UE celui qui est le plus proche allié de Moscou. Elle refuse tout soutien militaire à l’Ukraine en guerre contre la Russie. La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili, une pro-européenne en conflit ouvert avec le gouvernement, devrait mettre son veto à la nouvelle loi mais le parti au pouvoir «Rêve géorgien» assure avoir assez de voix au parlement pour passer outre.
«Les impacts (de la loi) sur les droits à la liberté d’expression et d’association en Géorgie risquent malheureusement désormais d’être importants», a regretté pour sa part le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk. Les Etats-Unis avaient réagi dès mardi en avertissant qu’ils pourraient «réévaluer» leurs relations avec la Géorgie.
Des «changements cosmétiques» ne seront pas suffisants
Au cours d’une conférence de presse, le chef de la diplomatie lituanienne, Gabrielius Landsbergis, a affirmé que des «changements cosmétiques» du texte ne le rendraient pas compatible avec les normes de l’UE.
La présidente Zourabichvili a proposé des amendements au projet de loi mais a mis en garde, pendant cette conférence de presse avec les représentants balte et islandais, contre toutes négociations «artificielles». Le premier ministre Irakli Kobakhidzé s’est dit pour sa part prêt à évoquer de possibles modifications.
En l’état actuel, le texte impose à toute ONG ou à tout média recevant plus de 20% de son financement de l’étranger de s’enregistrer en tant qu'«organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère» et de se soumettre à un contrôle administratif. Ses détracteurs l’ont surnommé «loi russe» en raison de sa similitude avec une législation votée en Russie pour réprimer l’opposition. La référence est sensible en Géorgie, un pays qui balance entre les sphères d’influence russe et européenne et a été la cible d’une intervention militaire russe en 2008.