Belgique

Des milliards d’euros d’argent public offerts aux entreprises les plus polluantes pour polluer : le rapport accablant de Greenpeace

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InfoPar Pascale Bollekens

"Payés pour polluer" : c’est le titre d’un rapport accablant que publie aujourd’hui Greenpeace. Il détaille les différents mécanismes utilisés par les industries les plus polluantes et les plus énergivores pour bénéficier d’argent public.

Droits d’émission de CO2 gratuits, exonération des accises sur le gaz ou l’électricité, compensation des coûts des émissions indirectes représenteraient au total près 4,4 milliards d’euros par an, offerts aux entreprises les plus émettrices de CO2 de notre pays comme Arcelor-Mittal, Total Energies, BASF, Ineos. Une aide financée par le contribuable et donc la poche des citoyens belges.

Des quotas offerts pour garder les entreprises en Europe

Mathieu Soete, chargé de mission sur la transition énergétique pour Greenpeace détaille : "Nous avons listé les 20 entreprises qui reçoivent le plus de quotas gratuits. Parmi elles, on trouve des groupes bien connus en sidérurgie, en chimie comme Ineos, des raffineries comme Exon Mobile ou Total Energie, des cimentiers en Wallonie. La moitié des 4,4 milliards provient du système européen d’échange de quotas."

Et d’expliquer : "Chaque entreprise, en théorie, paye pour pouvoir polluer. Pour chaque tonne de C02 émise, elle doit payer un quota. Mais pour éviter que ces industries quittent l’Europe pour aller s’installer en Inde ou en Chine où l’on ne paie rien, la même Europe les leur offre. La liste de ces pollueurs qui ne paient pas ces quotas représente 94% des émissions industrielles de CO2 émises en Europe."

Pour notre expert, on a mis en place un système de quotas mais dans les faits, ceux qui polluent ne paient pas puisqu’ils les reçoivent gratuitement. Pour la Belgique, cela représente 2,3 milliards d’euros en 2022 qui ne sont pas imputés au budget fédéral, c’est un revenu que l’Etat ne reçoit pas pour la vente des quotas. Or, cet argent devrait être utilisé pour financer nos politiques climatiques. Si on additionne tous ces subsides que la Belgique ne reçoit pas, on arrive à 4,4 milliards d’euros accordés à nos industries en 2022.

Pour les fournisseurs d’électricité, c’est différent. Depuis 2013, l’Europe les oblige à acheter l’entièreté de leurs émissions de CO2 liée à la production de l’électricité, ils ne reçoivent plus de quotas gratuits. Les électriciens ajoutent dès lors ces frais à la facture des industriels, très gros consommateurs d’énergie. Et là, même récriminations que pour les quotas, les patrons parlent de concurrence déloyale par rapport à leurs concurrents par exemple chinois. Ils réclament donc de l’Etat des compensations pour ces coûts d’émissions "indirectes" de CO2.

L’option est prévue dans le règlement européen mais chaque État membre peut décider de le faire ou non. Wallonie comme Flandre ont décidé de les rembourser. Les industriels même les plus polluants touchent donc ce qu’on appelle une compensation.

"Il y a toute une formule mathématique utilisée par les pouvoirs publics pour définir ce montant" affirme Mathieu Soete, "ce sont des chiffres officiels. Ils sont inscrits dans le budget de la région wallonne : 20 millions en 2022 et 159 millions pour la Flandre. Nous n’avons pas les chiffres entreprise par entreprise car ce sont des données sensibles qui sont protégées."

Au top 5 des entreprises qui en profitent le plus Arcelor-Mittal, Ineos, Nyrstar (production de Zinc), Apéram (acier inox), et la raffinerie Total Energie à Anvers. Elles ont reçu entre 6 et 14 millions d’euros en 2023.

L’exonération de l’accise fédérale était en 2022, de 1,3 milliard pour l’électricité et de 259 millions pour le gaz.

Pour l’organisation environnementale, nos responsables politiques se retranchent souvent derrière l’argument de la finançabilité quand il s’agit de mesures pour le climat ou la nature. Le rapport montre qu’ils sont surtout trop complaisants à l’égard de ces industries polluantes qui ne font pas grand-chose pour diminuer leurs émissions. Ces politiques de subventions ont manifestement manqué leur cible.

À l’heure d’écrire ces lignes, nous n’avons pas encore pu contacter des représentants de l’industrie pour avoir leur version sur l’application de ces politiques de subvention européennes.

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