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Portrait libre

Traoré, menacé de mort au Mali à cause de son homosexualité

Pour sauver sa vie, Traoré a dû quitter son pays, en catastrophe, du jour au lendemain, en 2018. Exilé dans le nord de la France, il ne vit plus caché et a trouvé une famille dans une association qui lutte contre les discriminations faites aux personnes LGBTQIA+.

Même s’il ne cache plus son homosexualité depuis qu’il est en France, Traoré préfère témoigner à visage couvert car sa demande d’asile a été rejetée.
Même s’il ne cache plus son homosexualité depuis qu’il est en France, Traoré préfère témoigner à visage couvert car sa demande d’asile a été rejetée. © Lise Verbeke / RFI
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Un après-midi de juillet 2023, dans les rues d’Amiens, Traoré a chanté, dansé, crié, pendant plusieurs heures, entouré d’une foule de 3 000 personnes. C’était sa première marche des Fiertés. « J’étais fier d’être homosexuel, je n’aurais jamais imaginé faire ça un jour, c’était incroyable. » Depuis qu’il a poussé la porte de l’association Flash Our True Colors, qui lutte contre les discriminations faites aux personnes LGBTQIA+, le Malien de 34 ans a trouvé « une vraie famille », bienveillante et à l’écoute.

« Je peux enfin être moi-même, je ne me cache plus ». C’est le nouveau Traoré, lance-t-il dans un éclat de rire, « avec une envie de vivre, et de la joie ». L’autre Traoré, le renfermé, le secret, est « mort ». Son histoire, il l’a si souvent tue, qu’aujourd’hui, il ressent le besoin de la raconter. C’est encore douloureux, les mots peinent parfois à sortir, mais briser ce silence lui fait « du bien », « j’apprends à témoigner pour dénoncer ». Dans son pays, le Mali, être homosexuel est souvent considéré comme « contre-nature, à cause du poids de la religion ».

Né à Segou, Traoré, avec sa petite sœur et sa mère, a vécu au rythme du travail de son père, ouvrier agricole. Une enfance à bouger de fermes en fermes, un peu partout dans le pays, pour subsister. « Je ne suis pas allé à l’école, mais j’ai suivi quelques cours du soir pour apprendre à lire et à écrire ». Il sait depuis longtemps qu’il est attiré par les garçons, « les autres avaient des petites copines, moi, je préférais rester seul et on me le faisait remarquer ». À 15 ans, il commence à flirter avec un garçon et découvre l’amour. « Je savais déjà qu’il fallait se cacher, sinon la famille allait nous battre ». 

Cauchemar

En 2010, son père trouve du travail en Côte d’Ivoire. Lui a 20 ans, il commence à apprendre le métier de chauffeur dans une entreprise qui achète et revend du cacao et du café. Mais le pays est en pleine crise, et en 2011, « mon père est assassiné par des rebelles, on a dû retourner au Mali ». Pendant plusieurs mois, il est « triste et abattu. J’ai perdu mon père et j’ai quitté mon petit ami de l’époque ». À Segou, avec l’aide d’un ami, il finit par se relever et ouvre une petite épicerie. Il tombe à nouveau amoureux. Son compagnon, qui vit à Bamako, le rejoint de temps en temps la semaine. « Un jour, alors que l’on était tous les deux chez moi, ma mère a besoin de moi et envoie un petit garçon me chercher ». L’enfant les surprend dans leur intimité, et court prévenir les voisins autour. « Cinq ou six personnes sont arrivées dans ma chambre, elles ont commencé à me tabasser ». Sur son front, il montre une cicatrice, « elle est encore là et me rappelle ce moment terrible ». Il arrive à s’échapper, quand les voisins commencent à frapper son compagnon. « Je n’avais pas le choix. J’ai couru, et j’ai pris un taxi pour quitter la ville et me réfugier dans un village à côté ». Le soir, il appelle sa mère pour lui demander de l’aide. « C’est ce jour-là qu’elle a appris que j’étais homo. Elle était en colère et me disait qu’elle regrettait de m’avoir mis au monde, que je n’existais plus pour elle ». En racontant ce coup de téléphone, Traoré pose la main sur son cœur, sa voix s’étrangle. « Encore aujourd’hui, ce moment est très, très difficile ». 

Sans savoir si son compagnon est vivant ou mort, il décide de quitter le Mali et d’aller en France. « Je pars au Burkina, au Niger, puis en Libye, où je suis obligé de rester deux ans pour travailler à droite et à gauche et avoir assez d’argent pour payer les passeurs. » La traversée de la Méditerranée est un cauchemar. « Nous étions une cinquantaine sur le bateau, qui a commencé à prendre l’eau. » L’odeur de l’essence, du vomi, sans eau ni nourriture. « Les gens à côté de moi étaient tellement épuisés qu’ils tombaient dans l’eau et mourraient. Si je m’en suis sorti, c’est par miracle ».

Au bout de trois jours, les secours italiens arrivent et Traoré pose le pied sur le sol européen pour la première fois, en 2020. Puis la France, Paris et Amiens. « La galère de la demande d’asile a commencé, car on m’avait pris mes empreintes en Italie ». Il est « dubliné », il doit demander l’asile dans le premier pays européen où il est passé, et il est renvoyé plusieurs fois en Italie. « Mais moi, je voulais vivre en France, alors je suis revenu ». À Amiens, il est hébergé chez un ami. C’est son avocat qui lui parle de l’association Flash Our True Color. « J’y rencontre des réfugiés comme moi, surtout des Nigériens et des Congolais, je comprends que je ne suis pas seul ». L’association l’aide dans ses démarches et un nouveau combat s’engage pour lui : obtenir l’asile. « J’ai été débouté plusieurs fois, je suis allé jusqu’à la cour nationale du droit d’asile, où ma demande a été rejetée. Ils m’ont écouté leur expliquer mon histoire, que j’étais homosexuel et que je risquais ma vie dans mon pays, mais ils ne m’ont pas entendu. Il n’est pas question que je retourne là-bas ».

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