Pourquoi c'est important EDF et son ex-PDG Henri Proglio jugés pour soupçons de favoritisme

La société EDF et son ancien patron, Henri Proglio, sont accusés d’avoir favorisé des consultants. Le procès débute ce mardi à Paris pour deux semaines.

La rédaction avec AFP - 21 mai 2024 à 06:46 | mis à jour le 21 mai 2024 à 15:16 - Temps de lecture :
Henri Proglio, ancien PDG de l'entreprise publique française d'électricité EDF, lors de l'ouverture de la World Nuclear Exhibition (WNE) dans la commune de Le Bourget en 2014. Photot Sipa/L.Cham

Henri Proglio, ancien PDG de l'entreprise publique française d'électricité EDF, lors de l'ouverture de la World Nuclear Exhibition (WNE) dans la commune de Le Bourget en 2014. Photot Sipa/L.Cham

Le géant de l'électricité et son ancien PDG à la barre: EDF, Henri Proglio ainsi que douze autres personnes sont jugés à partir de mardi à Paris pour des soupçons de favoritisme autour de contrats de consultants entre 2010 et 2016. Lors de ce procès qui doit durer deux semaines comparaîtront celui qui fut patron d'EDF entre 2009 et 2014, âgé de 74 ans, l'entreprise publique représentée par un de ses cadres, l'ancien secrétaire général Alain Tchernonog, ainsi que onze consultants.

44 contrats litigieux et 22 millions d'euros

L'affaire a débuté par un signalement en 2016 de la Cour des comptes qui a mené à l'ouverture d'une enquête préliminaire par le Parquet national financier (PNF). Des perquisitions ont été réalisées en 2017 et 2018, au siège social d'EDF au cœur de Paris et dans la tour de la Défense, ainsi que dans des locaux de consultants.

Au total, 44 contrats litigieux ont été identifiés pour un total d'environ 22 millions d'euros, tous conclus sans mise en concurrence et paraphés soit par Henri Proglio, soit par le secrétaire général soit par d'autres directeurs.
Communicants, anciens dirigeants d'entreprises, politiques, magistrats, avocats et journalistes... ont signé pour des missions de « conseil en communication », « conseil stratégique », « gestion des risques », « renseignement » ou « lobbying », associées à des montants allant de 40 000 à quatre millions d'euros sur plusieurs années.

Pour l'accusation, ces contrats ne pouvaient pas être conclus de gré à gré: aucune des dérogations prévues par la règlementation ne pouvait s'appliquer à ces marchés. Une note de 2010, baptisée « Tchernonog » du nom du secrétaire général, instaurait une « procédure particulière » reposant « uniquement sur les références et la notoriété des consultants et était institutionnalisée en méconnaissance des principes d'égalité de traitement, de transparence des procédures et de liberté d'accès à la commande publique qui s'imposaient à EDF », selon une note de synthèse des investigations datée de 2022.

Demande de relaxe pour l'ancien PDG

Henri Proglio, qui encourt pour favoritisme deux ans d'emprisonnement et 200 000 euros d'amende (ou le double du produit de l'infraction), est « innocent des faits qui lui sont reprochés », ont déclaré ses avocats Mes Jean-Pierre Mignard et Pierre-Emmanuel Blard. « Nous allons demander la relaxe, d'abord parce qu'une grande partie des faits sont prescrits et parce que, pour qu'il y ait favoritisme, il faut une volonté occulte. Or, tout a été d'une publicité rare, la volonté de cacher est absolument absente de ce dossier », ont-ils poursuivi, soulignant aussi « l'absence d'enrichissement personnel ».

Me Jean Reinhart, conseil de l'entreprise redevenue 100 % publique en 2023, n'a pas souhaité s'exprimer avant le procès.
A l'issue de son enquête, le PNF a décidé de ne pas poursuivre les consultants ayant bénéficié de marchés inférieurs au seuil de « procédure formalisée », soit en dessous d'environ 400 000 euros à l'époque. Cela concerne notamment l'ex-ministre Claude Allègre et l'ancienne secrétaire d’État Jeannette Bougrab. Ces classements sans suite ne concernent cependant que les consultants, EDF et ses dirigeants étant poursuivis pour tous les contrats, indique-t-on au PNF.

D'autres déjà condamnées à des amendes

Parmi ceux concernés par des montants supérieurs, six ont déjà été condamnés à des amendes via des procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (« plaider-coupable »): c'est notamment le cas du fondateur de Havas Stéphane Fouks (165 500 euros) et de la société de communication Image 7 d'Anne Méaux (150 000 euros).
Onze personnes physiques ou morales sont citées devant le tribunal pour recel de favoritisme: pendant l'enquête, toutes ont contesté avoir commis une infraction.

La société de l'ex-PDG de Vivendi Jean-Marie Messier, 67 ans, est jugée pour deux contrats en 2011-2012 représentant 1,42 million d'euros, après s'être vu refuser un plaider-coupable. Loïk Le Floch-Prigent, 80 ans, ancien patron de GDF et de la SNCF, est poursuivi pour des contrats totalisant 1,36 million d'euros entre 2010 et 2015, et le criminologue Alain Bauer pour 650 000 euros entre 2013 et 2016.

Pendant l'enquête, certains consultants ont fait valoir leur méconnaissance des règles des marchés publics. D'autres ont affirmé qu'un appel d'offres n'était pas possible car les missions en question étaient « confidentielles » ou requéraient des compétences particulièrement rares.