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"Les sexistes redoublent d'inventivité": la streameuse Loupiote alerte sur le cyberharcèlement dans les jeux vidéo

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Invitées sur le salon Vivatech 2024, la streameuse Loupiote et Anna Bressan, secrétaire générale de Women In Games, font un point sur le cyberharcèlement dans l'univers du jeu vidéo.

"Je vais te violer." "Retourne à la cuisine." "Ferme ta gueule sale femme." Ces insultes, Lou, alias Loupiote sur les réseaux sociaux, y est régulièrement confrontée, en tant que streameuse, mais surtout, en tant que joueuse.

Une violence qui s'exprime par des mots, mais également par des actions au sein des jeux vidéo. "Parfois, certains joueurs me bloquent dans un coin et me lancent une grenade pour que je perde des points de vies. Je vous assure que les sexistes redoublent d'inventivité pour être insupportable", sourit Lou.

Des conséquences dans la vie réelle

"Ce sont des menaces très très graves", insiste l'étudiante de 21 ans, invitée par le groupe Orange sur le salon Vivatech 2024 pour parler du cyberharcèlement, notamment dans les jeux vidéo.

"Ces comportements entretiennent des complexes et dévalorisent les femmes", confirme Anna Bressan, secrétaire générale de Women In Games, également présente à la table-ronde. "Cela peut entraîner de la peur ou encore inciter les femmes à abandonner certains jeux."

Des comportements virtuels, donc, qui peuvent avoir des conséquences dans la vie réelle. "Certaines streameuses se font suivre dans la rue, elles reçoivent parfois des menaces de mort", ajoute Loupiote.

Et les chiffres sont éloquents. 85% des femmes ont déjà été victimes de cyberharcèlement. Et plus d'une gameuse sur quatre a été cyberharcelée selon les chiffres de l'association Women In Games. Pourtant, la situation est loin de s'être améliorée, au contraire.

Loupiote, elle, a commencé à streamer après le confinement en 2020 sur le jeu de tir Valorant. Depuis son arrivée sur Twitch il y a quatre ans, le cyberharcèlement sur les réseaux sociaux, et plus particulièrement dans le petit monde du gaming, est loin d'avoir reculé.

"J'ai du mal à dire que ça va dans le bon sens", admet Loupiotte. Au contraire. "Les comportements problématiques se multiplient."

Anonymat et inaction

Pour Loupiote, le principal problème dans les jeux vidéo, c'est l'anonymat. "Cachés derrière leurs pseudos, les joueurs n'ont pas peur d'être sanctionnés et adoptent un comportement qu'il n'aurait jamais eu dans la vraie vie."

Autre problème pour la streameuse: l'inaction sur les plateformes. Bien sûr, les joueuses peuvent signaler tout comportement abusif aux éditeurs. "Mais le processus de vérification prend du temps. Et, dans tous les cas, il ne dure qu'une semaine", rappelle Lou. Dans ce laps de temps, il suffit de se recréer un compteet le tour est joué. Le joueur mal attentionné est de retour sur le jeu.

Pour Loupiote, ignorer les commentaires sexistes ou misogynes, ou mettre en silencieux le tchat vocal est loin d'être une solution. "Valorant est jeu de communication et d'équipe. Si on se prive de cette fonctionnalité, on est désavantagés dans la compétition", détaille-t-elle.

"J'ai tendance à répondre, parfois de manière virulente", assume Lou. "Je sais que ce n'est pas forcément la meilleure solution, mais j'ai du mal à laisser couler. Et puis, c'est important de montrer aux jeunes femmes qui me regardent que ces comportements sont anormaux."

De nombreuses initiatives

Face à ces constats, Loupiote a donc décidé d'agir. Le 8 mai dernier, elle a participé à la campagne Wall of change, organisée par Orange. L'objectif? Reproduire les collages féministes dans les rues du jeu GTA RP pour alerter les joueurs au sexisme dans l'univers du jeu vidéo et partager le 3018, numéro d'urgence contre le cyberharcèlement, au plus grand nombre.

"La lutte contre le cyberharcèlement, c'est comme les programmes politiques: si on ne les a pas sous le nez, on ne va pas le faire. Les collages permettent donc à de nombreux jeunes d'être sensibilisés au sujet, sans devoir faire l'effort d'aller sur un site pour s'informer", affirme Loupiote.

En parallèle, la vidéaste a organisé un débat en live sur Twitch en compagnie des streameuses Niemesia, Xo_trixy et Spicehoney_ ainsi que du streamer Rises. "C'est important de ne pas opposer les femmes aux hommes dans ces débats car, si on ne convie pas les hommes à nos échanges, on entretient un conflit permanent."

En effet, ces dernières années, de plus en plus de streamers, comme Kameto, décident de prendre la parole pour sensibiliser leur viewers sur la situation. Aminematue et Rebeudeter ont de leur côté, lancé un réseau de streamer. Le principe est simple: "Si un viewer a un comportement sexiste dans un tchat, par exemple chez Maghla, vous serez ensuite banni des tchats de l'ensemble des streamers du réseau", explique Loupiote.

D'autres initiatives plus institutionnelles ont également été mises en place. Une league Valorant 100% féminine a ainsi été lancée pour aider les femmes à trouver leur place dans le petit monde de l'e-sport, composé à 93% d'hommes. Des centres d'écoute ont également été mis en place dans l'univers des jeux par certains éditeurs. "C'est une étape, mais ça reste insuffisant. Ces comportements doivent être sanctionnés plus durement par les éditeurs", conclue Anna Bressan.

Salomé Ferraris