Des résistants sabotent une ligne de chemin de fer dans le massif de la Chartreuse en septembre 1944. ©Getty - Mondadori via Getty Images
Des résistants sabotent une ligne de chemin de fer dans le massif de la Chartreuse en septembre 1944. ©Getty - Mondadori via Getty Images
Des résistants sabotent une ligne de chemin de fer dans le massif de la Chartreuse en septembre 1944. ©Getty - Mondadori via Getty Images
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En 1944, la Résistance est combattue par le régime de Vichy, qui dans le même temps essaie de rester à l’écart du conflit entre les Alliés et l’Allemagne nazie. Quel rôle les réseaux résistants ont-ils joué en amont du 6 juin 1944 et quelle fut l'attitude des "collabo" à l'approche du Débarquement ?

Avec
  • Raphaële Balu, docteure en histoire, spécialiste des Maquis durant la Seconde Guerre mondiale
  • Robin Leconte, doctorant en histoire, enseignant à l’ENS Paris-Saclay
  • Olivier Wieviorka, historien, professeur à l'École normale supérieure de Paris-Saclay

Juin 1944. Voilà quatre ans que la France est occupée. L’idée d’un débarquement allié est dans tous les esprits. Pour l’immense majorité de la population, la vie continue, voire la survie, coûte que coûte, en attendant de découvrir la suite des événements. Pour celles et ceux qui se sont engagés dans la Résistance, que l'entrée des armées alliées en France est un combat qui se prépare. Pour l’État français, installé à Vichy, ainsi que pour tous les collabos, arrive l’heure des choix et du sauve-qui-peut.

Préparer le Débarquement

À partir de 1943, pour s’opposer au régime de Vichy et fuir le Service du Travail Obligatoire, de plus en plus de Français et de Françaises rejoignent la Résistance. L'État-major allié est d’abord méfiant à l’égard de ces troupes clandestines et rechigne à les prendre en compte lors des premiers préparatifs d’un projet de débarquement en Europe. Malgré tout, des communications régulières se mettent progressivement en place grâce à la B.B.C. et des instructeurs spéciaux appelés les Jedburgh sont parachutés en France pour apporter leur expertise aux maquis résistants.

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Le débarquement du 6 juin 1944 a été facilité par le travail de sabotage et de collecte d’informations de la résistance française. "Les résistants se sont préparés au Débarquement, mais ils ignorent quand et où il se produira. Il faut préciser que les Anglo-Américains ne tablent absolument pas sur la Résistance. Pour eux, c'est un bonus. Ce qui veut dire que la Résistance a été obligée de préparer ses plans seule", fait observer l'historien Olivier Wieviorka.

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Quel rôle la Résistance a-t-elle joué dans le Débarquement ?

Grâce aux annonces codées diffusées par la B.B.C., notamment les premiers vers de la "Chanson de l’automne" de Verlaine, les résistants sont prévenus deux jours en avance de l’imminence du Débarquement. Ils peuvent alors réaliser d’importantes actions de déstabilisation des infrastructures allemandes, qui immobilisent les troupes et perturbent les communications. Il est difficile de quantifier l’impact exact de ces sabotages dans le succès du débarquement du 6 juin, mais il est clair que sans les actions de la Résistance les Alliés auraient eu plus de difficultés à progresser en Normandie.

"[Le Débarquement] suscite un mouvement d'espoir et la possibilité de l'action, que [les maquis] ont attendue dans la peur, et aussi parfois dans l'ennui", constate l'historienne Raphaële Balu. Outre la remobilisation des maquisards, l'assaut des Alliés pousse de nouveaux Français et Françaises à rejoindre la Résistance.

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L'État français face au Débarquement

Olivier Wieviorka rappelle qu'un des paris du régime de Vichy, avec la collaboration, a été de retirer la France de la guerre : "Or là, avec la guerre qui revient sur le territoire national, Vichy perd son pari. Sa capacité à protéger la population est singulièrement mise à l'épreuve." Pour l'historien, la perspective d'une libération du territoire français signifie que "Vichy va perdre son protecteur allemand et que [le régime] est voué à la disparition."

Le Débarquement invite alors les personnes à reconsidérer, ou pas, leur position face à l'occupant. "Tout le monde s'interroge sur ce que vont faire les autres", relève l'historien Robin Leconte. "Le débarquement de 1944, [...] c'est le moment ultime du choix."

L'intensification de la répression

Le maréchal Pétain, dans un discours diffusé le 6 juin, demande à la population française de ne pas se mêler des hostilités entre Allemands et Alliés. Cette position de neutralité est démentie dans les faits : si le régime de Vichy ne joue pas un rôle actif dans la lutte contre les Alliés en Normandie, il cherche en revanche à réprimer les mouvements de résistance partout en France. Le régime de Vichy est théoriquement démilitarisé, mais il dispose d’une force paramilitaire de fascistes convaincus, appelée la milice. À l’été 1944, alors que la perspective d’une victoire des Alliés se concrétise, les miliciens intensifient la répression contre la Résistance. Le maquis du Vercors est attaqué et encerclé en juillet 1944 au prix de nombreux massacres. Du débarquement du 6 juin jusqu’à la libération de Paris le 24 août, l’été 1944 voit s’intensifier cette lutte entre les partisans d’une France libre et les défenseurs du régime de Vichy.

Pour en savoir plus

Raphaële Balu est docteure en histoire et agrégée d’histoire. Elle est responsable éditoriale pour l’EHNE (l’Encyclopédie d’Histoire Numérique de l’Europe).
Sa thèse, soutenue en 2018 sous la direction de Olivier Wieviorka et de Jean Quellien, est intitulée : "Les maquis de France, la France libre et les Alliés (1943-1945) : retrouver la coopération".

Robin Leconte est doctorant en histoire et enseignant à l’ENS Paris-Saclay.
Depuis 2017, il prépare une thèse, sous la direction d’Olivier Wieviorka et de Jean-François Muracciole intitulée "La relation d’autorité dans les forces armées de terre françaises entre 1940 et 1945 : étude comparée de l’armée de Vichy, des Forces françaises libres et de l’armée d’Afrique".

Olivier Wieviorka est historien, professeur des universités à l’ENS de Paris-Saclay. Il a coécrit plusieurs documentaires et travaille principalement sur la Seconde Guerre mondiale.
Il a notamment publié :

  • (avec Cyriac Allard), Le Débarquement : son histoire par l’infographie, Seuil, 2024
  • Histoire totale de la Seconde Guerre mondiale, Perrin/Ministère des armées, 2023
  • Histoire de la Résistance. 1940-1945, Perrin, 2013
  • Histoire du Débarquement en Normandie. Des origines à la libération de Paris, Seuil, 2006 (rééd. 2014)

Références sonores

  • Extrait du film Le Bataillon du ciel d'Alexandre Esway (1947), d'après le roman de Joseph Kessel
  • Archive de Philippe Henriot au Palais de Chaillot, Actualités françaises, 2 juin 1944
  • Archive du général de Gaulle sur le débarquement de Normandie, B.B.C. Londres, 6 juin 1944
  • Archive du discours du maréchal Pétain diffusé le 6 juin 1944

Musique :

  • Le chant des partisans interprété par Anna Marly en 1964, paroles de Joseph Kessel et Maurice Druon
  • Générique : Gendèr par Makoto San, 2020

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