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Manuel Valls sauvera-t-il la taxe sur les transactions financières ?

En osmose avec les banquiers, Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici ont torpillé la réforme bancaire qui aurait du séparer les activités de spéculation et les activités de crédit. Dernièrement c'est la taxe européenne sur les transactions financières (TTF) que Pierre Moscovici et Bercy étaient en train de saboter. Manuel Valls laissera-t-il à l'oligarchie bancaire le pilotage du ministère de l'économie ?

Publié le 05 mai 2014 à 09h36, modifié le 05 mai 2014 à 15h57 Temps de Lecture 3 min.

La promesse d'une « taxe sur toutes les transactions financières avec ceux en Europe qui voudront la mettre en place avec nous » figurait en bonne place dans le discours du Bourget de François Hollande, le 22 janvier.

Pour se démarquer de son prédécesseur, Manuel Valls a rappelé en arrivant à Matignon que selon la Constitution « le premier ministre dirige l'action du gouvernement ». Il est vrai que, notamment sur les dossiers concernant les banques et la finance, Jean-Marc Ayrault laissait la bride sur le cou à Pierre Moscovici, lui-même soumis à la technostructure de Bercy.

En osmose avec les banquiers, ils ont ainsi torpillé la réforme bancaire qui aurait du séparer les activités de spéculation et les activités de crédit. Dernièrement c'est la taxe européenne sur les transactions financières (TTF) que Pierre Moscovici et Bercy étaient en train de saboter. Manuel Valls laissera-t-il à l'oligarchie bancaire le pilotage du ministère de l'économie ?

La promesse d'une « taxe sur toutes les transactions financières avec ceux en Europe qui voudront la mettre en place avec nous » figurait en bonne place dans le discours du Bourget de François Hollande [le 22 janvier 2012]. En juin 2012 le Conseil européen actait la mise en place d'une coopération renforcée entre 11 pays, et en mars 2013 la Commission européenne publiait un projet de directive plein de promesses.

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Cette taxe réduirait le volume de la spéculation financière. Elle dégagerait des revenus importants, 34 milliards d'euros selon la Commission. On pourrait ainsi contribuer à financer des investissements publics créateurs d'emploi, mais aussi à tenir les engagements français et européens concernant la lutte mondiale contre la pauvreté et le réchauffement climatique.

Pour la Commission européenne et la coalition au pouvoir en Allemagne, la taxe doit toucher l'ensemble des produits financiers, y compris les plus spéculatifs, c'est-à-dire les produits dérivés. Mais le lobby bancaire français et sa branche politique, Bercy, ne l'entendent pas de cette oreille. Depuis un an, ils ont lancé une contre-offensive pour vider le projet de la Commission de son contenu. Dans le collimateur : la taxation des produits dérivés, qui représentent aujourd'hui plus de 80% des transactions et constituent une source majeure des profits des acteurs financiers.

Après avoir jugé publiquement le projet de la Commission « excessif », Pierre Moscovici a tenté de convaincre l'Allemagne de ne taxer que les produits dérivés « les plus spéculatifs ». Mais quel sens attribuer à cette restriction, quand les régulateurs (la Banque des règlements internationaux) reconnaissent que sur les 700 000 milliards de dollars par an que représentent ces produits, 7% à 8% seulement servent à des acteurs de l'économie réelle pour s'assurer contre des fluctuations de prix, le reste étant de la spéculation financière !

Devant le refus allemand d'une proposition aussi inepte, Bercy a changé son fusil d'épaule et proposé au dernier conseil des ministres franco-allemand, le 19 février, une taxe annuelle sur les encours de produits dérivés. Nouveau refus allemand : en renonçant à taxer chaque transaction, fût-ce à un taux minime, les gouvernements renonceraient aussi à freiner le trading à haute fréquence et à réduire le volume de la spéculation.

DÉSAVOUER L'AFFLIGEANTE SERVILITÉ DE BERCY

Le rôle des individus dans l'histoire n'est pas à négliger. Si la TTF, une mesure honnie par les banques, est arrivée si haut sur l'agenda politique européen, c'est bien sûr grâce aux mouvements sociaux qui ont lancé l'idée, se sont mobilisés depuis 15 ans pour l'imposer et ont convaincu l'opinion publique.

Mais c'est aussi parce que le commissaire européen à la fiscalité Algirdas Semeta et le ministre des finances allemand Wolfgang Schaüble, qui ne sont ni gauchistes ni même progressistes, se sont convaincus qu'instaurer une vraie TTF contribuerait à réduire l'instabilité financière et à redorer le blason de l'Union aux yeux des européens.

On ne peut évidemment pas attendre de Manuel Valls un virage à gauche en matière de politique économique. Mais il peut désavouer l'affligeante servilité de Bercy envers le lobby bancaire. Il peut affirmer la prééminence du politique en prenant enfin, avec l'Allemagne et la Commission, une décision que les citoyens de France et d'Europe attendent depuis de longues années.

Les 5 et 6 mai se tient [à Bruxelles] le dernier conseil des ministres de l'économie avant les élections européennes, où Angela Merkel et François Hollande ont annoncé qu'un accord devra être trouvé sur la TTF : nous saurons à cette occasion si Bercy a toujours carte blanche pour servir les intérêts des banques.

L'annonce, qui semble imminente, d'une « première étape » qui ne concerne que les actions et exclut les produits dérivés, confirmerait que les banques tiennent toujours le gouvernail...

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