Effondrement de la monnaie, explosion des prix du carburant... Au Nigeria, la crise économique affame des millions de personnes

économie
Evasion vidéo en chargement
Vidéo GEO : CEDEAO : qu'est-ce que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest ?

Après une ascension irrésistible jusqu'à la première moitié des années 2010, le Nigeria s'enfonce peu à peu dans une crise économique aux conséquences désormais cataclysmiques.

Partager sur :

Des hôpitaux submergés par des patients manquant de calcium, des Nigérians asphyxiés lors d'un mouvement de foule pour s'emparer de riz à prix réduit, la valeur de la monnaie en chute libre... Le Nigeria est confronté à une crise économique historique, alors que des millions d'habitants ne peuvent plus subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. Que s'est-il passé pour que l'ex-première économie africaine se transforme en endroit où des dizaines de millions de personnes ne peuvent plus se nourrir ?

Une ascension brusquement freinée

Géant démographique de l'Afrique de l'Ouest, le Nigeria attise les espoirs depuis plusieurs décennies. Comme le note la Banque Mondiale, le Nigeria a connu une croissance remarquable de plus de 7 % chaque année entre 2000 et 2014, date à laquelle il surpasse l'Afrique du Sud pour devenir la première puissance économique africaine. L'expansion de l'économie se ralentit cependant depuis, en raison d'une variété de facteurs incluant une "baisse de la production pétrolière, un programme coûteux de subvention de l'essence, une hausse du protectionnisme, ainsi que des chocs externes comme la pandémie", selon l'organisation internationale. Résultat des courses, Lagos est retombée à la 4e place du classement africain, derrière Pretoria, mais aussi l'Égypte et l'Algérie.

Pilier majeur de la puissance du pays, sa vaste population de plus de 220 millions d'habitants est cependant loin d'être financièrement aisée : 87 millions de Nigérians vivent sous la ligne de pauvreté, le deuxième plus haut nombre au monde derrière l'Inde selon la Banque Mondiale. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires estimait pour sa part fin 2023 que 26,5 millions de Nigérians devraient souffrir de niveaux élevés d'insécurité alimentaire en 2024, une hausse d'1,5 million en un an, qui continue d'empirer aujourd'hui.

La fin des subventions pétrolières

Derrière ces chiffres macroéconomiques, on trouve des millions de Nigérians au quotidien bouleversé par la crise, dans un pays où 92 % des habitants travaillent dans le secteur informel. Deux grandes réformes peuvent expliquer la crise en 2024, qui survient après des années déjà troublées par la pandémie et l'inflation. La première concerne le pétrole, dans un pays marqué par un paradoxe autour de l'or noir, comme le note le New York Times. Lagos est en effet un grand producteur de la ressource, avec les 11e plus grandes réserves pétrolières prouvées au monde. Mais le manque d'investissement et la mauvaise gestion de ses raffineries conduisent le pays à dépendre fortement d'importation de carburants.

Le gouvernement investit depuis des décennies des dépenses faramineuses dans la subvention de carburant, qui ont atteint un montant critique selon l'exécutif : en 2022, 9 milliards d'euros ont été dépensés par la Nigerian National Petroleum Corporation pour cet unique besoin, selon Reuters. Le budget lié à ces subventions dépassait au début de l'année 2023 celui lié à l'éducation ou à la santé, note la BBC. Bola Tinubu, élu président en 2023, a supprimé cette subvention : une décision visant à combler le déficit budgétaire, mais frappant le pouvoir d'achat de millions d'habitants.

La hausse dramatique des prix de la nourriture

Une deuxième décision a porté le coup de grâce : la dévaluation de la monnaie, le naira, pour tenter de rendre le Nigeria plus compétitif et d'attirer les compétiteurs. 1 000 nairas valaient 2,1 dollars le 5 juin 2023, selon l'outil convertisseur de monnaie Xe. Avec la même somme, un an plus tard, on ne peut obtenir que 68 cents. Une catastrophe pour un pays où une partie des besoins essentiels, comme la nourriture, sont remplis via des importations. Selon un rapport de l'Union Africaine, les importations de nourriture augmentent de 11 % chaque année, en partie suite à l'augmentation rapide de la population : le taux de fécondité nigérian est de plus de 5 enfants par femme en 2021 d'après la Banque Mondiale. Une telle dévaluation a essentiellement triplé le prix de ces importations, privant donc de nombreux Nigérians de l'accès à la nourriture, alors que la fin des subventions de carburant limite leurs déplacements et leur accès à l'électricité, souvent assuré par des générateurs fonctionnant à l'essence.

Le New York Times fournit un exemple parlant des conséquences terribles de ces politiques sur les Nigérians : l'hôpital spécialisé Murtala Muhammed recevait chaque année un ou deux patients atteints d'hypocalcémie (manque de calcium) pour cause de malnutrition : en 2024, plusieurs cas liés à cette maladie sont traités chaque jour. Face à ces scènes se reproduisant dans tout le pays, le défi est immense pour sortir le Nigeria de sa crise économique, alors que l'État le plus peuplé d'Afrique doit atteindre environ 370 millions d'habitants d'ici 2050.

Benjamin Laurent Alternant Rédacteur chez geo.fr
Alternant au sein de la rédaction de GEO.FR, Benjamin envisage de faire sa carrière dans le journalisme une fois ses études menées à leur terme. C’est au sein d’un passage dans la presse quotidienne régionale que son intérêt pour le journalisme web s’est développé, entre variété des sujets, actualité toujours brûlante à traiter et challenge de devoir rendre son article dans les temps. Principalement concentré sur la rubrique géopolitique de GEO.FR, il tente d’apporter des clés de lecture dans un monde en plein bouleversement. Il aide également à l’occasion au tournage des différents formats vidéos de GEO.FR, retrouvables sur le compte Instagram @geo_france et les autres réseaux sociaux, afin de retirer un maximum d’expériences de son passage dans la rédaction. Dans son temps libre, Benjamin se consacre plutôt à la cuisine, du Mexique au Japon en passant par le Liban, mais aussi la lecture, peu importe l’auteur et même le genre, ou encore le jardinage. Il économise par ailleurs pour pouvoir partir découvrir le monde, en commençant par les endroits les plus dépaysants si possible : une passion partagée par l’ensemble de la rédaction, qui donne de nombreuses idées de sujets qui finissent parfois sur le site web.
Ne manquez aucun article en vous abonnant à GEO sur Google News
Outbrain

THÈMES ASSOCIÉS À L’ARTICLE

Outbrain

À DÉCOUVRIR SUR LE MÊME THÈME

Benson Ibeabuchi/Bloomberg via Getty Images