“Jeu d’influences” : comment les stratèges de la communication ont voulu étouffer l’affaire Cahuzac

France 5 diffuse une enquête sur les méthodes des pros de la communication. Regardez-en un extrait en avant-première et lisez la réplique du “Canard enchaîné”, mis en cause.

Par Olivier Milot

Publié le 05 mai 2014 à 08h59

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h13

Depuis une vingtaine d'années, les stratèges en communication sont omniprésents dans toutes les sphères du pouvoir. Enquêter sur eux, c'est se confronter a une difficulté constante : s'ils ont pour métier de façonner et d'orienter la communication de leurs clients, ils font aussi profession de ne jamais apparaître au grand jour. Les plus influents (Anne Méaux, Michel Calzaroni…) fuient la caméra comme la peste.

Les journalistes Luc Hermann et Gilles Bovon en ont fait l'expérience pour leur documentaire Jeu d'influences : les stratèges de la communication, diffusé mardi 6 mai 2014 sur France 5, à 20h35. Plusieurs portes sont restées fermées mais ils ont tout de même réussi à décrocher quelques beaux spécimens de communicants : Anne Hommel, Franck Louvrier ou Stéphane Fouks, un très proche du nouveau Premier ministre, Manuel Valls. Surtout, les deux auteurs ont eu la bonne idée de décrypter très concrètement plusieurs cas de communication de crise, dévoilant au passage les mécanismes utilisés dans l'ombre par ces stratèges.

En avant-première de sa diffusion sur France 5, telerama.fr vous propose de regarder un des cas les plus emblématiques de leur intervention ces dernières années lors de ce que l'on a appelé « l'affaire Cahuzac ». Ou comment des stratèges en communication ont tenté d'intoxiquer certains médias pour étouffer ce qui allait devenir une affaire d'Etat quand l'ancien ministre du Budget sera contraint à la démission après avoir reconnu l'existence d'un compte en Suisse. A voir pour tenter de s'armer un peu mieux contre une prochaine manipulation de l'opinion.

Le Canard enchaîné s'est-il laissé intoxiquer par les stratèges en communication, comme le suggère clairement l'enquête de Luc Hermann et Gilles Bovon ?

« Absurde et surtout ridicule », s'exclame Louis-Marie Horeau, rédacteur en chef à l'hebdomadaire. « A l'époque, Marion Bougeard nous appelait trois fois par jour mais nous n'avions ni besoin d'elle, ni de Laurent Obadia – qui n'a d'ailleurs jamais tenté de nous joindre – pour nous forger une opinion. Et puis, pour quelles obscures raisons aurions-nous roulé pour Cahuzac ? Le fait d'écrire que “nous attendions les preuves” ne voulait pas dire que l'information était fausse. Mais avec seulement un enregistrement sonore, pas encore expertisé, et le témoignage changeant d'un opposant politique, le dossier n'était pas étayé. Surtout pour lancer une accusation de ce calibre. Médiapart a pris un risque que nous n'aurions pas pris. Il avait la conviction chevillée au corps mais la conviction n'est pas une preuve. »

Le Canard persiste et signe donc : non il ne s'est fait manipuler par personne, oui il a tenu une position qui s'est révélée inexacte. Ce qui reste malgré tout troublant, c'est le relatif silence observé par l'hebdomadaire pendant toute la durée de l'affaire après son premier article le 12 décembre 2012 et avant que Cahuzac ne soit contraint à la démission le 19 mars 2013. « Nous avons été imprudents et pas été très bons sur ce coup-là », reconnaît-on en interne. « Nous sommes restés silencieux parce que, malgré nos recherches, nous n'avons pas réussi à ouvrir l'huître », plaide Louis-Marie Horeau. Peut-être. A moins que la rivalité empoisonnée avec Médiapart dans la chasse aux affaires politico-financières n'ait consciemment ou non poussé Le Canard à faire le bec fin sur une histoire dont il n'était pas à l'origine…

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