Trente-six membres d’un parti d’opposition sont jugés à partir de ce mercredi 11 septembre pour terrorisme. Une nouvelle étape dans l’escalade répressive du régime de Museveni, avec en toile de fond la contestation des méga-projets pétroliers de TotalEnergies.

©ISAAC KASAMANI/EPA/MAXPPP
Pas un jour ou presque sans que de nouvelles arrestations, détentions arbitraires et procès iniques ne rythment la vie des Ougandais. Le pays, dirigé depuis 1986 par l’autocrate Yoweri Museveni, l’un des pires régimes au monde, connaît une recrudescence de la répression.
Dernier exemple : l’ouverture, ce mercredi 11 septembre, du procès de 36 opposants, tous membres du parti Forum pour le changement démocratique (FDC), cueillis à leur arrivée à l’aéroport, le 24 juillet dernier, après avoir été expulsés du Kenya où ils suivaient une formation. Ils doivent être jugés pour « terrorisme », après que la police ougandaise les a accusés de se livrer « à des activités secrètes soupçonnées d’être subversives ».
L’ex-dirigeant du FDC et candidat à la présidentielle, Kizza Besigye, dénonce le fait que ses camarades aient été « illégalement détenus » et une accusation « qui n’est qu’une extension de la torture physique qu’ils ont endurée ». Lors de la dernière élection, en 2021, une manifestation s’était tenue pour exiger la libération de l’opposant Bobi Wine. La violence policière avait été terrible : 54 morts, selon un bilan dressé par une ONG.
Depuis le début de l’année 2024, la répression atteint un niveau paroxystique, en raison des méga-projets pétroliers portés par TotalEnergies et la compagnie nationale chinoise Cnooc. Gouvernement ougandais et multinationales française et chinoise cheminent main dans la main pour s’assurer des profits gigantesques.
Les familles qui refusent les indemnisations, jugées dérisoires, sont traduites devant un tribunal
Des projets qui entrent dans leur phase finale, celle de la construction des puits de pétrole (le « projet Tilenga ») et de l’oléoduc, le fameux Eacop (East African Crude Oil Pipeline). Le 5 septembre dernier, la Fédération internationale pour les droits humains (Fidh) établissait ainsi un récapitulatif de cette « escalade de la répression ».
Depuis le mois de mai dernier, « 81 défenseurs des droits de l’environnement et activistes ont été arrêtés », dont 72 pour le seul mois d’août, y compris des membres des communautés expulsés manu militari par les forces de l’ordre ougandaises depuis fin 2023.
La Fidh a également relevé des cas de torture, de menaces et d’intimidations ou de harcèlement. Sur le plan judiciaire, les familles qui refusent les indemnisations, jugées dérisoires, sont traduites devant un tribunal par le ministère ougandais de l’Énergie et des Mines. Celui-ci les accuse par écrit « d’entraver la mise en œuvre du projet Tilenga, au détriment du développement du secteur pétrolier et gazier du pays ».
Rien ne doit faire obstacle à ce qui est classé comme l’une des 425 « bombes carbone » de la planète. Interrogé en juin 2023, le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, concédait que les projets Tilenga-Eacop sont « un symbole du combat anti-pétrole ».
Fin août, interrogé par le Monde sur ces vagues d’arrestations et des cas d’enlèvements par les autorités ougandaises, TotalEnergies indiquait mener « des investigations ». L’enjeu est primordial pour la firme française, puisque, au regard du droit international, elle pourrait être mise en cause pour complicité dans la répression orchestrée par le régime de Museveni.
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