De plus en plus de jeunes souffrent de “paralysie de l’analyse”: “TikTok est toxique pour le cerveau”
Choisir un plat au restaurant, une tenue ou un film: toujours un problème? Vous souffrez peut-être de ce qu’on appelle la “paralysie de l’analyse”, soit une situation dans laquelle on sur-analyse tellement les choses qu'on finit par être incapable de prendre une décision. Dans les colonnes de HLN, une neurologue et une psychologue distinguent deux types de stress lié au fait de faire des choix. Les expertes nous expliquent comment notre cerveau réagit face à ce stress et proposent plusieurs pistes pour apprendre à gérer la paralysie de l’analyse. “C’est le problème de la jeune génération. TikTok est toxique pour le cerveau."
Valeriya GornostayevaSource:HLN
Faire un choix est une véritable source de stress pour vous? Sachez que vous n’êtes pas seul(e). Sur les réseaux sociaux, de plus en plus de personnes affirment être touchées par la “paralysie de l’analyse”. “Faire un choix semble tellement accablant à certains moments que votre cerveau, pour ainsi dire, s’arrête de fonctionner pendant un court instant. C’est comme s’il était paralysé”, explique la psychiatre américaine Sasha Hamdani dans une vidéo devenue virale sur TikTok.
(la suite ci-dessous)
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Qu’est-ce que la “paralysie de l’analyse” exactement?
La psychologue clinicienne Britt Van de Velde et la neurologue Inge Declercq connaissent bien ce terme. “La paralysie de l’analyse est une forme de réflexion excessive, de rumination ou de doute. Mais au lieu de simplement peser le pour et le contre d’un choix donné, on se retrouve bloqué et on finit par ne rien faire”, détaille Britt Van de Velde. “Tout le monde doute ou réfléchit trop à certaines questions ou décisions de temps en temps. Mais ce n’est pas parce qu’on doute souvent que c’est forcément problématique”, tient-elle à préciser.
Britt Van de Velde distingue donc deux types de doutes. “D’une part, on peut douter ou stresser sur des questions existentielles ou des questions de vie importantes telles que: ‘Est-ce que je veux me marier ou avoir des enfants plus tard? Suis-je encore heureux dans mon travail?’ D’autre part, on peut avoir du mal à se décider sur des sujets du quotidien tels que le repas du soir, la tenue qu’on va porter ou le type de gâteau qu’on veut acheter à la boulangerie."
Mais quel est le problème exactement? “Aujourd’hui, plus que jamais, nous sommes inondés par un flux constant d’informations. On nous propose également presque tout, à la minute et sans limite”, analyse la psychologue. “C’est assez accablant pour beaucoup de gens. Et cela rend la prise de décision plus difficile. Dans ce cas, la paralysie d’analyse peut même être une sorte de mécanisme d’adaptation - une manière de ralentir la surcharge de stimuli et d’informations qui nous parviennent."
Oui, en 2024, nous sommes autorisés à choisir ou à décider de presque tout nous-mêmes, mais nous devons aussi en assumer les conséquences
Britt Van de Velde, Psychologue clinicienne
La responsabilité de nos choix est également plus importante aujourd’hui que par le passé, précise la spécialiste. “Oui, en 2024, nous sommes autorisés à choisir ou à décider de presque tout nous-mêmes, mais nous devons aussi en assumer les conséquences. Cela augmente la peur de l’échec et encourage le perfectionnisme. À long terme, cela vous rend moins enclin à faire des choix (rapides)." De plus en plus de jeunes se sentent jugés ou observés lorsqu’ils font des choix, explique la psychologue. “Par conséquent, ils remettent en question chacun de leurs choix. Certains perdent même le sens de leur identité.”
“Lorsque cette substance s’accumule, le cerveau s’arrête”
“C’est LE problème de la génération actuelle de jeunes”, estime de son côté la neurologue Inge Declercq. Selon elle, TikTok est l’un des plus grands coupables. “En raison de la grande quantité d’images et d’informations que vous recevez via cette application, votre cortex cérébral préfrontal, ou le siège de votre cerveau, ne s’arrête jamais de travailler. Même quand vous regardez une vidéo pendant une fraction de seconde, votre cerveau se met en action. Vous n’avez donc aucun contrôle là-dessus."
Le doute excessif, la réflexion ou le stress lié au choix ne sont pas des diagnostics officiels
Britt Van de Velde, Psychologue clinicienne
Après une longue journée au travail ou à l’école, vous vous sentez épuisé et vous recherchez alors une forme de détente. Le réflexe? Sortir son téléphone et scroller sur les réseaux sociaux. Le fait que vous ayez besoin d’un exutoire est déjà un signe que votre cerveau est surstimulé. Par conséquent, le glutamate, substance excitatrice (l’un des principaux neurotransmetteurs activateurs du système nerveux, ndlr), devient plus difficile à éliminer, elle commence à s’accumuler et le cerveau “s’arrête”. “C’est ce qui crée ce sentiment de paralysie, ou paralysie de l’analyse.”
Il s’agit d’un cercle vicieux, explique la neurologue. “Plus la pression et le stress augmentent, plus vous êtes surstimulé et moins, vous êtes capable de prendre des décisions ou de faire des choix. Résultat? Vous êtes encore plus paniqué et anxieux. Des recherches antérieures ont déjà montré que la mémoire de travail des personnes fréquemment surstimulées se détériore d’environ 38%. Ces personnes mettent également deux fois plus de temps à accomplir certaines tâches.”
Comment arrêter ou prévenir la “paralysie analytique”?
“Le doute excessif, la réflexion ou le stress lié au choix ne sont pas des diagnostics officiels. Il n’existe pas non plus de tests psychologiques pour cela”, précise Britt Van de Velde. “En outre, la cause du phénomène est différente pour chaque personne. Cela signifie que la solution peut également être différente pour chacun."
Mais selon la neurologue Inge Declercq, il existe des solutions pour réduire le stress lié aux choix. Dans son nouveau livre “Brain Rest”, elle donne plusieurs conseils: “Arrêtez de vous comparer aux autres : soyez vous-même. C’est déjà un choix en moins à faire. Plus facile à dire qu’à faire, bien sûr, mais croyez-moi, vous vous épargnerez ainsi beaucoup de stress lié au fait de faire des choix. La recherche montre également que si vous comparez trop d’options, vous risquez davantage de faire le mauvais choix.”
Faites particulièrement attention à l’utilisation que vous faites de votre téléphone portable et des réseaux sociaux
Inge Declercq, Neurologue
Cela ne fonctionne pas? “Essayez de vous fixer une date limite pour faire un choix”, conseille Inge Declercq. Autre astuce: l’anticipation. “Par exemple, si vous avez du mal à choisir une tenue pour le lendemain, préparez le soir trois options parmi lesquelles vous pourrez choisir.” L’experte nous invite également à “suivre davantage notre intuition”. “Vous faites alors quelque chose sans vous soucier des conséquences. Cela permet souvent de faire de meilleurs choix. Tout simplement parce que vous ne perdez pas de temps à douter ou à comparer d’autres options.”
“Faites particulièrement attention à l’utilisation que vous faites de votre téléphone portable et des réseaux sociaux”, souligne la neurologue. “TikTok peut être considéré comme neurotoxique, c’est-à-dire que son utilisation va venir limiter le fonctionnement de votre cerveau et de votre système nerveux. Vous défilez sans but sur TikTok et cela met votre cerveau à rude épreuve. Cela peut même vous rendre très malheureux. Essayez de vous déconnecter des réseaux dès que vous le pouvez. Vous pouvez également vous fixer une durée maximale de temps passé sur les réseaux sociaux chaque jour.”
La neurologue évoque également l’importance de mettre son cerveau en pause pendant même seulement quelques secondes chaque jour. “ Accordez-vous une minute pour ne rien faire pendant un certain temps, à l’exception d’un exercice de respiration ou de pleine conscience ou d’une position devant une fenêtre ouverte. En vous déchargeant ainsi la tête de temps en temps, vous protégez mieux votre cerveau de la surcharge de stimuli. (...) Si cette surcharge mentale vous empêche de réaliser vos tâches du quotidien, il est peut-être préférable de faire appel à un professionnel”, conclut Inge Declercq.