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La France perd-elle plus de cerveaux que les autres ?

Décryptage. Qu’on évoque la « fuite des cerveaux » ou « l’exil fiscal », l’émigration des Français est un sujet qui fait régulièrement la une des journaux.

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Publié le 05 mai 2014 à 20h25, modifié le 06 mai 2014 à 11h57

Temps de Lecture 3 min.

La France perd-elle ses « forces vives » ? Qu’on évoque la « fuite des cerveaux » ou « l’exil fiscal », l’émigration des Français est un sujet qui fait régulièrement la une des journaux.

C’est encore le cas, lundi 5 mai, alors que la Fondation pour l’innovation politique (Fondapol) publie une étude sur le sujet. Baptisée « Trop d’émigrés ? Regards sur ceux qui partent de France », cette étude fait de nombreuses fois le constat d’une grande difficulté à disposer de chiffres fiables et complets sur l’émigration et ses raisons. Il n’existe en effet qu’une comptabilité partielle des expatriés.

Ceux-ci sont officiellement 1,6 million, mais en réalité sans doute plus de deux millions. Ils étaient environ un million (officiellement) voilà dix ans, constate la Fondapol. Elle réalise un autre calcul pour extrapoler, en fonction des soldes migratoires, que plus de 210 000 personnes ont quitté le pays en 2011. Est-ce trop ? C’est l’avis de la fondation, qui distingue une série de causes et de conséquences dans ce phénomène, évoquant la fiscalité, la mondialisation, le cas des chercheurs, etc.

« Le modèle français, élitiste et rigide, semble en complet décalage avec une jeunesse biberonnée au 2.0 et aux possibilités offertes par la mondialisation », déplore la fondation, qui plaide pour que la France donne  « les moyens à sa jeunesse d’avoir le choix, celui de partir, mais également celui de rester pour investir, entreprendre et prospérer ». Si le constat de la Fondapol est étayé, on peut cependant le relativiser, notamment en comparant la France avec d'autres pays européens.

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Eurostat, l’institut statistique européen, propose des données sur l’émigration dans les pays de l'UE, « émigration » étant défini comme « cesser de résider dans le pays où l’on vivait jusqu’ici, pour une période supérieure à douze mois ». Si ses sources statistiques se heurtent aux mêmes écueils, elles permettent d’établir une comparaison des dynamiques migratoires.

Le graphique ci-dessous montre la situation depuis 2006. La France, en bleu, connaît moins d’émigration que le Royaume-Uni ou l’Espagne, moins peuplées. Elle est légèrement au-dessus de la Pologne ou de l’Allemagne, plus peuplée. Quant à la dynamique, on note que le flux d’émigrés est régulier depuis 2006, sans les à-coups que présente l’Allemagne ou la Suisse.

Autre donnée partielle, mais éclairante, les pays de destination des émigrés français. Les seules données disponibles en France sont celles du ministère des affaires étrangères, qui ne recense que les personnes venues s’inscrire au consulat, ce qui n’est pas le cas de tous les expatriés, loin de là. Elles ont donc un caractère partiel à garder en mémoire, mais on peut au moins établir un ordre d'idée. 

Les Français s’expatrient avant tout au sein de l’UE, loin devant l’Amérique du Nord, comme le montre ce premier graphique :

Nous avons regardé les données sur huit ans, pour les cinq pays où l’on trouve le plus d’expatriés français : Suisse, Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne et Belgique. C’est ce dernier pays qui connaît la plus forte croissance en six ans : + 35 % entre 2006 et 2013. Vient ensuite la Suisse (+ 25 %), puis le Royaume-Uni (+ 13,5 %) et enfin les Etats-Unis et l’Allemagne.

1. L’émigration française dans la moyenne

2. L’Europe, destination privilégiée

3. Aux Etats-Unis, pas d’explosion de travailleurs français

Face à des données décidément partielles, on peut tenter de se tourner vers les statistiques des pays d’accueil. Nous l’avons fait pour les Etats-Unis, qui fournissent des données sur le long terme. Le graphique ci-dessous compte le nombre de « cartes vertes » (permis de résidence permanente et de travail) accordées à des Français, par décennie, depuis 1910.

Que conclure de ces graphiques ? Avant tout que, comme le constate la Fondapol, les données manquent, notamment sur les raisons de ces départs : fuite des cerveaux, exil fiscal ou effet de la mondialisation et de l'internationalisation des grandes entreprises ? Savoir combien d'expatriés travaillent pour une société française, par exemple, ou combien reviennent, au bout de quelle période et pour quelles raisons, permettrait d'affiner la réflexion et de sortir de l'éternelle rengaine du déclin national.

Une récente étude du Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP) de Sciences-Po sur la question de la « fuite des cerveaux » conclut d'ailleurs que celle-ci est loin d'être avérée : 

« Les départs des individus ayant un niveau d'étude universitaire sont largement compensés par l'immigration [de diplômés également, NDLR], et le solde n'est déficitaire que pour certains pays où l'émigration est encore plus faible que la nôtre, comme les Etats-Unis. De fait, comparativement à la plupart des autres pays, le nombre de départs est encore relativement très faible ».

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