Un taux de succès élevé pour le personnel infirmier recruté en Afrique
Depuis deux ans, la grande majorité des 500 aspirants infirmiers recrutés à l’étranger, la plupart en Afrique, ont terminé leur formation d’appoint et travaillent dans le réseau de la santé, a appris Radio-Canada.

Fabrice Batouanen Bibou a été recruté au Cameroun pour travailler comme infirmier dans Lanaudière.
Photo : Radio-Canada
Si la tendance se maintient, Fabrice Batouanen Bibou travaillera comme infirmier à temps plein ces prochaines années au Centre hospitalier de Lanaudière à Joliette.
Recruté au Cameroun dans le cadre d’un vaste programme lancé par Québec en 2022, Fabrice a bien l’intention de s'installer dans la région.
Moi, j'ai déjà envisagé de faire ma vie ici, à Joliette, parce que Joliette, c'est d'abord une très belle ville et j'ai une très belle équipe ici, je me sens à l'aise.
Lors de notre passage à l’hôpital, le candidat à l'exercice de la profession infirmière (CEPI) appréhendait l’examen de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ).
Oui, bien évidemment qu'il y a un peu d'anxiété concernant l'examen, après tout ce qu'on a entendu parler [...] les réformes pour améliorer tout cela, mais on va braver cela, je pense qu'on va réussir!

Davide Gentile a rencontré un Camerounais qui a posé ses valises avec sa famille à Joliette.
Des premiers résultats
Lancé en février 2022, le programme de 65 millions $ lancé par les ministres de l’Immigration et de la Santé visait à recruter en quelques années plus de 1000 candidats à la profession d’infirmière dans les pays francophones.
En tout, 93 % des participants à ce programme viennent d'Afrique et notamment du Cameroun, de la Côte d'Ivoire et du Maroc.
À ce jour, 198 personnes du projet (principalement de la phase 1) qui se sont présentées aux sessions de l’examen (de l’OIIQ) de septembre 2023 et de mars 2024 ont réussi l’examen de l’ordre et 30 personnes l’ont échoué, soit un taux de réussite de 87 %
, indique par courriel un porte-parole du ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration (MIFI).
Environ 500 ont réussi leur parcours de formation dans le réseau des cégeps et la plupart demeurent dans les régions où ils ont reçu leur formation d'appoint
, indique de son côté le ministère de la Santé. Un autre groupe de près de 500 candidats devrait avoir terminé leur formation à l’hiver 2025.
Treize personnes ont abandonné la formation et plusieurs des 67 en échec ont été embauchées comme préposé aux bénéficiaires (PAB).
Une grosse adaptation
Pour Fabrice, l’offre du Québec de traverser en Amérique du Nord avec conjointe et enfant a touché des cordes sensibles.
En fait, ce qui m'a motivé à venir au Canada, c'est beaucoup plus la recherche d’un milieu de vie où on allie travail et milieu social et où on peut aussi grandir dans la profession.
Une émigration qui ne s’est pas faite sans un effort d’adaptation, en particulier au niveau de l’accent et du vocabulaire médical.
On a eu beaucoup de difficultés à nous adapter par rapport à cela, mais je dirais que ça a été un peu plus facile en commençant comme préposé ici [durant la formation], d'être en contact avec le patient [...] de mieux faire une fine oreille sur le langage, le ton, l'accent.
Fabrice se rappelle la fois où un patient lui a dit qu’il avait mal au cœur
.
Je me disais : Oh mon Dieu, ça doit être une douleur au cœur, qu'est-ce que je dois faire? Alors qu’il s’agissait de nausées!

Isabelle Boily, cheffe d'unité Gériatrie et médecine au CISSS de Lanaudière
Photo : Radio-Canada
Pour la cheffe d'unité Gériatrie et médecine au CISSS de Lanaudière, Isabelle Boily, le programme de recrutement a été un succès, un franc succès
.
Mais on va se le dire, là, oui, on parle tous français, mais mon Dieu qu'on parle vite, puis on s'en rend compte du défi aussi avec le type de clientèle qu'on a qui a des problématiques cognitives, mais je pense qu’on y arrive quand même.
Comme le souligne l’infirmière d’expérience, on a beaucoup à apprendre d'eux, ils sont courageux, ils viennent ici en famille, se déracinent volontairement, ils viennent dans un autre système de santé qu'ils ne connaissent pas
.
C’est une grosse joie d’être tombé dans cette unité [...] il fallait de la patience!
, nous répétera Fabrice à quelques reprises.
Une manne pour les régions
Le CISSS de Lanaudière est l’une des régions qui a été priorisée la première année du programme.

Annie Beausoleil, cheffe de service à l'encadrement de la relève, la formation et la pratique clinique, CISSS Lanaudière.
Photo : Radio-Canada
Je vous dirais qu'on s'attend à environ une trentaine de personnes qui puissent rester dans notre organisation
, explique Annie Beausoleil, cheffe de service à l'encadrement de la relève, la formation et la pratique clinique.
Au CISSS de Lanaudière, il s’agissait d’une première cohorte avec un recrutement de personnel infirmier à l’étranger.
Il y a eu un accompagnement en amont qui a été fait, surtout par la direction des ressources humaines, la direction générale, pour aider les gens à trouver des logements, des garderies, bien les installer, même aller les chercher à l'aéroport, pour qu'ils se sentent vraiment accueillis dans notre région
, explique la gestionnaire. On a eu la chance d'avoir plusieurs partenaires qui ont travaillé avec nous pour faire de ce projet-là une réussite.
Réduire les missions à l’étranger, sauf en santé
Au cours des cinq dernières années, le ministère québécois de l’Immigration a mené plus de 60 missions d’embauche à l’étranger. Des milliers de personnes ont ainsi bénéficié de ces Journées Québec pour s’installer dans la province, par l'intermédiaire du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET).
Québec songe désormais à limiter ces missions internationales à quelques secteurs clés, comme ceux de la santé, de la construction et de l’enseignement.