« L’ambivalence des plus jeunes est étonnante » : 40 ans après sa création, Aides combat toujours la sérophobie

Selon un sondage Ifop pour Aides, l’association de lutte contre le sida qui fête ce mercredi son 40e anniversaire, les préjugés sont loin d’avoir disparu.

L'association Aides regrette de constater que de nombreuses informations capitales sur les personnes infectées par le VIH sont encore largement ignorées du grand public (illustration). Getty Images
L'association Aides regrette de constater que de nombreuses informations capitales sur les personnes infectées par le VIH sont encore largement ignorées du grand public (illustration). Getty Images

    Il y a quarante ans aujourd’hui, Daniel Defert, le compagnon du philosophe Michel Foucault, décédé trois mois plus tôt des suites du sida, dont il ignorait souffrir, écrivait à plusieurs dizaines de proches une lettre. Ce qui fut le point de départ d’Aides, une des plus grosses associations de lutte contre le VIH, qui fait aujourd’hui encore le constat que les préjugés à l’encontre des personnes séropositives sont loin d’avoir totalement disparu, malgré les immenses progrès thérapeutiques.

    Près d’un Français sur six se dit « mal à l’aise » avec l’idée de côtoyer une personne infectée par le VIH, notamment un collègue de bureau ou l’enseignant de son enfant, selon un sondage Ifop commandée par l’association. Un résultat qui a beaucoup « surpris » sa présidente, Camille Spire. « On pensait vraiment que les préjugés avaient davantage diminué que cela », regrette-t-elle d’autant plus amèrement que les plus jeunes en seraient les plus imprégnés. Plus de la moitié des personnes interrogées arrêteraient même de voir une personne avec qui elles ont eu des relations intimes si elles apprenaient sa séropositivité.

    16 % des 25-34 ans favorables à l’isolement des personnes séropositives

    En 1988, un quart de la population souhaitait carrément « l’isolement » des personnes séropositives. Aujourd’hui encore, ce sont les 25-34 ans qui sont les plus favorables : 16 % contre seulement 6 % des plus de 65 ans. « Ce qui étonnant, c’est l’ambivalence des plus jeunes, qui voient bien qu’on peut aujourd’hui vivre mieux et plus longtemps avec le virus, mais qui ont pourtant des préjugés vraiment ancrés », commente Camille Spire.



    Globalement, les connaissances des Français ont reculé depuis la fin des années 1980. Moins de la moitié sait faire la différence entre une personne séropositive et une personne malade du sida. « En revanche, nous savions déjà qu’une information importante n’est pas du tout passée dans la population : c’est le fait qu’une personne séropositive sous traitement et qui a une charge virale indétectable ne transmet pas le virus à ses partenaires même lors d’un rapport non protégé, rappelle Camille Spire. C’est pourtant connu depuis 2008 et, pour les personnes concernées, cette découverte a été une libération. Mais c’est encore difficile à entendre pour les autres. » Les trois quarts des personnes interrogées l’ignoreraient actuellement.

    « Les connaissances n’ont pas avancé aussi vite que les progrès médicaux », regrette encore Camille Spire. Et surtout elles ont été moins bien transmises dans les vingt dernières années qu’auparavant. « On voit que les personnes de plus de 40 ans sont mieux informées car elles ont bénéficié des grandes campagnes de communication sur le VIH des pouvoirs publics dans les années 1990 », constate la présidente d’Aides, qui appelle également à des campagnes de santé publiques destinée aux personnes les plus à risques (populations migrantes, hommes homosexuels et travailleurs du sexe). « Il faut aussi absolument faire respecter la loi, qui prévoit deux séances d’éducation sexuelle par an à l’école », plaide-t-elle.