« Un mec ne pourrait jamais faire ça ! » En 1963, Niki de Saint Phalle (1930–2002) reçoit dans son atelier parisien les caméras de l’ORTF. À cette époque, l’artiste est connue dans le monde entier pour la portée de ses Tirs, des « peintures-performances » lors desquelles elle fait éclater, à l’aide d’une carabine, des poches remplies de peinture sur des panneaux de bois. Un geste radical pour dénoncer et anéantir les injustices de la société, et aussi hautement courageux à une époque où le chemin de l’émancipation des femmes paraissait encore bien long.
Tandis que l’artiste s’affaire dans son atelier, le journaliste s’interroge : « Vous avez des gants de plongeur, vous trempez des chiffons dans un seau, vous les étendez… C’est un peu un travail de bonne petite ménagère, non ? » À cette question aux relents sexistes, Niki de Saint Phalle répond avec humour : « Vous avez raison, c’est une partie de mon travail mais le résultat n’est pas une cuisine. Je ne vais pas vous présenter de pot-au-feu. » En effet, l’œuvre qu’elle est en train de réaliser n’a rien à voir dans sa forme avec un plat mijoté.
« Les mecs sont tellement jaloux ! Ils ne peuvent pas piper le fait que la femme mette au monde. Ils ont fait des fusées, des gratte-ciels, des villes, n’importe quoi pour essayer d’oublier que la femme peut créer. »
Depuis le début des années 1960, Niki de Saint Phalle travaille sur une série de sculptures représentant toutes sortes d’archétypes féminins : des mères, des mariées, des sorcières, des femmes en train d’accoucher… Son but : révéler pour mieux dénoncer le manque de liberté des femmes et le poids des contraintes qui pèse sur leurs épaules. Lors de cette interview, elle travaille sur Le Cheval et la Mariée, une étonnante statue équestre composée d’un ensemble d’objets hétéroclites – ustensiles de cuisine, jouets, fleurs en plastique – surmontée d’un mannequin en robe immaculée… Une œuvre jugée bien peu « féminine » par notre journaliste.
« Je vois que j’ai affaire à un antiféministe ! », s’amuse Niki de Saint Phalle qui, le regard droit, assume préférer peindre « des accouchements plutôt que des bouquets de fleurs ». Celle qui n’a pas sa langue dans sa poche défend la force créatrice des femmes : « Les mecs sont tellement jaloux ! Ils ne peuvent pas piper le fait que la femme mette au monde. Ils ont fait des fusées, des gratte-ciels, des villes, n’importe quoi pour essayer d’oublier que la femme peut créer. » Un discours révolté qui infuse toute l’œuvre de cette artiste révolutionnaire, que l’on retrouvera au cinéma à partir du 9 octobre dans un biopic signé Céline Sallette.
À voir
Niki
De Céline Sallette
France, 98 min
Sortie le 9 octobre
1157301
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