Une mariée de 14 ans « vendue aux enchères », une affaire qui divise le Soudan du Sud
Deux quadragénaires ont rivalisé pendant des mois pour épouser la jeune fille, finalement échangée contre 123 bovins, 120 millions de livres sud-soudanaises (environ 39 600 euros) et un terrain.
Le mariage de mineurs est illégal au Soudan du Sud, mais encore malheureusement très courant, si bien que ces unions forcées font rarement les gros titres. Mais récemment, celui d’Athiak Dau Riak, âgée de 14 ans, a été largement médiatisé. Et pour cause : son père, qui assure que la jeune fille est âgée de 19 ans et consentante, l’a mise aux enchères, alors que sa mère s’opposait au mariage, et affirme pouvoir prouver qu’Athiak n’est âgée que de 14 ans. Une affaire qui a fait grand bruit dans ce pays d’Afrique centrale.
Elle aurait « préféré étudier »
Deux quadragénaires rivalisaient en effet pour épouser la jeune fille, ce qui a fait grimper sa dot. Depuis des mois, Marial Garang Jil et Chol Marol Deng, deux Sud-Soudanais âgés d’une quarantaine d’années, issus de deux clans différents de l’État de Jonglei et vivant aujourd’hui à l’étranger, se disputaient la main de l’adolescente. C’est finalement Chol Marol Deng qui a pu s’unir à Athiak Dau Riak en juin dernier, contre le don de 123 bovins, d’un terrain et le versement de 120 millions de livres sud-soudanaises (environ 39 600 euros) à la famille de la mariée.
L’affaire aurait pu rester intrafamiliale, mais des photos et des vidéos des rassemblements ont été mises en ligne et rapidement partagées. Le mariage est devenu viral : Athiak Dau Riak a été louée pour sa taille et sa beauté, et comme « la fille au cœur d’une compétition matrimoniale historique » dans diverses publications africaines. Elle a également été surnommée « la mariée la plus chère du Soudan du Sud » notamment sur TikTok. Certains internautes sont même allés jusqu’à supporter leur prétendant préféré…
Mais l’activité en ligne a également attiré l’attention d’une avocate, Josephine Adhet Deng, qui a ouvert une procédure contre Dau Riak Magany en juin, avançant qu’il avait autorisé le mariage d’une mineure et demandant qu’Athiak soit ramenée du Kenya, où elle a été emmenée peu après la cérémonie qui célèbre la conclusion d’un « concours de mariage », pratique traditionnelle au cours de laquelle plusieurs hommes se disputent la main d’une jeune fille à marier. Athiak n’a jamais parlé publiquement de la controverse entourant son mariage. Mais elle a déclaré au Guardian à la veille de cette cérémonie que si le processus de mariage n’avait pas commencé, elle aurait « préféré étudier ».
52 % des Sud-Soudanaises mariées avant l’âge de 18 ans
L’emballement médiatique autour de cette union a remis en lumière les mariages d’enfants, illégaux depuis 2008 au Soudan du Sud mais encore, la preuve en est, courants. Selon l’Unicef, le mariage des enfants est « encore une pratique courante » et « des chiffres récents indiquent que 52 % des filles [au Soudan du Sud ; ndlr] sont mariées avant l’âge de 18 ans, certaines filles étant mariées dès l’âge de 12 ans ».
Selon un autre rapport de l’Unicef, 122 millions de filles sont mariées dans leur enfance chaque année dans le monde. En Afrique subsaharienne, plus d’un tiers des jeunes femmes sont mariées avant l’âge de 18 ans.
