Découverte d'un extraordinaire "compost marin", où l'oxygène est à la fois produit et consommé

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En étudiant le devenir des feuilles mortes de posidonie en mer Méditerranée, des scientifiques de l'université de Liège ont découvert que ces débris végétaux formaient un véritable "compost marin". À l'instar d'un compost terrestre, celui-ci émet du dioxyde de carbone mais aussi, étonnamment, de l'oxygène – dont le bilan final penche toutefois vers la consommation nette.

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Faut-il rappeler la différence entre une algue et une plante marine ? La posidonie est au chêne ce que la baleine est à l'éléphant, c'est-à-dire une cousine dont les ancêtres terrestres sont progressivement retournés vers le milieu d'origine de la vie : l'océan.

Cette herbe marine partage d'ailleurs avec les arbres dits "décidus" une caractéristique qui, sous l'eau, peut sembler étonnante. Elle perd ses feuilles de manière saisonnière ! Et cela n'est pas sans conséquence sur l'écosystème marin…

Dans la baie de Revellata, près de Calvi en Corse, un trio de chercheurs belges a étudié le devenir des feuilles mortes de posidonie en eau peu profonde (moins de 40 m). Leur étude, publiée le 27 septembre 2024 dans la revue Estuarine, Coastal and Shelf Science, révèle que ces débris végétaux forment un véritable "compost marin" doté de propriétés fascinantes.

Feuilles d'automne

Comme la plupart des plantes terrestres de nos régions, la posidonie perd ses feuilles les plus anciennes en automne. Ces feuilles mortes s'accumulent sous forme de litière (comme à la base des arbres) en grandes plaques près des prairies marines.

— Alberto Borges, océanographe à l'université de Liège et co-auteur de l'étude, dans un communiqué.

C'est en étudiant les échanges gazeux au sein de cette litière végétale que lui et ses collègues ont découvert un phénomène inédit : le compost marin émet non seulement du dioxyde de carbone (CO2), comme son équivalent terrestre, mais aussi, de façon beaucoup plus étonnante, de l'oxygène (O2).

En fait, cette oxygénation surprenante est le fruit de la photosynthèse réalisée par différents organismes présents parmi les feuilles mortes : de grandes algues (macroalgues) détachées des rochers, des pousses vivantes de posidonies détachées de la prairie voisine, et enfin, des diatomées (microalgues), précise Gilles Lepoint, également co-auteur (communiqué).

Des nutriments pour l'écosystème

Si la production d'oxygène est significative, elle ne compense pas, cependant, la consommation d'oxygène induite par la décomposition des feuilles mortes. Le "compost marin" se classe donc, tout comme le compost terrestre et la litière des arbres, parmi les consommateurs nets d'oxygène. Ce qui n'enlève rien à son rôle fondamental : il renvoie de précieux nutriments vers l'écosystème.

L'un des principaux enseignements de cette étude concerne la vitesse de dégradation des feuilles. "Alors que nous pensions que la litière de posidonie se dégradait relativement rapidement, cette étude nous a montré le contraire", note Alberto Borges.

Plutôt que de surveiller la perte de masse végétale sur de longues périodes de plusieurs mois comme cela se faisait classiquement, les auteurs ont en effet procédé à des "incubations de courte durée (un jour)" avec des "mesures très précises de l'oxygène."

En outre, les chercheurs ont découvert un stupéfiant échange entre d'un côté, ce compost marin, et de l'autre, les macroalgues. Ainsi, non seulement les algues détachées des rochers peuvent aller se déposer dans la litière de posidonie et y générer de l'oxygène, mais cette dernière dégage à son tour dans l'eau un cocktail de molécules organiques venant nourrir les communautés bactériennes associées aux algues au niveau des rochers. Preuve supplémentaire que dans la nature, tout est lié !

Nastasia Michaels Journaliste rédactrice web Environnement GEO.fr
Avant de devenir journaliste scientifique et de publier ses articles dans la rubrique Environnement de GEO.fr ainsi que dans les pages du magazine GEO, Nastasia a côtoyé les chercheuses et les chercheurs dans le cadre de plusieurs stages réalisés au sein des laboratoires du Muséum national d'Histoire naturelle à Paris. Désireuse de transmettre ses connaissances, elle a complété son Master 2 en "Ecologie, Biodiversité, Evolution" à Sorbonne Université (ex Université Pierre et Marie Curie - Paris VI) par un Master 2 en "Journalisme et communication scientifiques" à l'Université de Paris (ex Paris Diderot). À travers ses nombreux voyages en Afrique, en Amérique centrale et en Asie, elle a développé un vif intérêt pour les relations entre les sociétés humaines et les écosystèmes, terrestres ou marins. Sa maîtrise de l'anglais (langue maternelle de son père) et de l'espagnol lui ouvrent l'accès à des sources d'information variées, principalement des publications scientifiques dans les domaines de la biodiversité, du climat ou de la botanique par exemple. La complexité du vivant la fascine chaque jour davantage.
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