Femmes sans abri : « Au bout d’un an passé à la rue, 100 % d’entre elles ont subi un viol »

Par Gaspard Couderc

Publié le , mis à jour le

Une femme sans domicile fixe se cache sous un parapluie dans la rue, à Paris, en mars 2019.

Une femme sans domicile fixe se cache sous un parapluie dans la rue, à Paris, en mars 2019. MAGALI COHEN / HANS LUCAS VIA AFP

La France compte aujourd’hui 120 000 femmes sans domicile fixe. Une population particulièrement exposée aux violences sexuelles, comme le dénonce un rapport sénatorial, rendu public ce mercredi.

Le chiffre fait froid dans le dos. « Au bout d’un an passé à la rue, 100 % des femmes ont subi un viol, quels que soient soit leur âge ou leur apparence. Pour elles, c’est un trauma parmi d’autres », assure Aurélie Tinland, médecin-psychiatre à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM). C’est l’information la plus glaçante qui ressort du rapport sénatorial consacré aux femmes sans abri, coordonné par la délégation aux droits des femmes, et rendu public ce mercredi 9 octobre.

Alors qu’elles ne représentaient que 2 % des sans-domicile-fixe en 2001, cette population compte aujourd’hui 40 % de femmes – soit 120 000 sur les 330 000 recensés en 2024. Fragiles parmi les plus fragiles, elles sont plus exposées que les hommes aux dangers inhérents à la rue, à commencer par les violences sexuelles. Par exemple, face aux « risques d’exploitation sexuelle, notamment à travers des hébergements “contre services” et des propositions de rapports sexuels rémunérés, qu’elles acceptent parfois uniquement pour nourrir leurs enfants », rappelle Bénédicte Maraval, assistante sociale référente au Comede, le Comité pour la santé des exilé·e·s, dans le rapport. Lors de la conférence de presse, la sénatrice écologiste Emmanuelle Cosse, a abondé : « Quand j’étais ministre du Logement [sous François Hollande], j’ai vu des proxénètes venir chercher leurs victimes à cinq heures du matin, lorsque nous organisions des opérations de mise à l’abri des populations. »

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Dès lors, parmi les 22 recommandations contenues dans le rapport, plusieurs d’entre elles visent à mieux protéger les femmes sans abri des violences sexuelles, notamment en sensibilisant les policiers à cette question. Plus étonnant, la sénatrice LR Agnès Evren a proposé, lors de la conférence de presse, de « munir les femmes de moyen d’autodéfense ». La proposition, qui entérine donc le fait que les femmes en sont réduites à se défendre toutes seules, a pourtant recueilli l’accord de toutes les associations auditionnées. Ce qui en dit long sur le manque de moyens dont elles disposent, et le peu d’espoir qu’elles ont d’en obtenir davantage.

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La solution la plus évidente serait, bien sûr, d’augmenter les places en centres d’hébergement. Or, comme le note Laurence Rossignol, sénatrice PS et corapporteuse, « le système est embolisé, l’offre ne suit pas la demande, il faut retrouver une politique du logement ». L’ancienne ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes (sous François Hollande) a vivement critiqué les différents gouvernements macronistes et leur politique, qu’elle a qualifiée d’« inhumaine ». Elle a également exigé la création de 10 000 places d’hébergement supplémentaires « réservées aux femmes isolées ». Si l’urgence n’est plus à démontrer, il y a cependant bien peu de chances qu’en ces temps de restriction budgétaire, le nouveau Premier ministre Michel Barnier y soit sensible.

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