“Une honte pour tous les hommes” (Leo Klimm dans Der Spiegel), “Pas tous les hommes, mais n’importe quel homme” (Sophie Gilbert dans The Atlantic), “Pas des monstres, juste des hommes” (Maria João Faustino dans Público)… Depuis l’ouverture du procès des viols de Mazan, le 2 septembre à Avignon, les journalistes du monde entier se pressent pour assister aux débats. Et leur regard sur cette affaire judiciaire hors norme apporte un précieux éclairage sur ce qu’elle dit de la culture du viol qui règne en France mais aussi ailleurs.
Car le procès de Dominique Pelicot – accusé d’avoir drogué sa femme, Gisèle, avec des médicaments entre 2011 et 2020 avant de la livrer, endormie, à des hommes, principalement au domicile du couple, et jugé aux côtés de 50 d’entre eux – entre en résonance avec de nombreuses autres affaires dans le monde. Le viol et le meurtre d’une femme médecin mi-août à Calcutta, en Inde, le meurtre de l’athlète ougandaise Rebecca Cheptegei, symbole des violences sexistes en Afrique de l’Est, début septembre, ou, plus récemment, le procès du rappeur Sean Combs (Diddy) aux États-Unis. La liste est sans fin des défaillances des systèmes judiciaires et sociétaux qui permettent aux hommes de se rendre coupables de violences sexuelles.
C’est cet écho-là que nous avons voulu traduire dans notre dossier cette semaine en sélectionnant patiemment, au fil des jours, les articles les plus marquants parus dans la presse étrangère, des opinions, des tribunes écrites principalement par des femmes mais pas que. “Tous les hommes ne sont pas des criminels. Mais presque toutes les femmes peuvent témoigner d’agressions commises par des hommes. C’est pourquoi il importe de ne pas laisser les femmes seules face à cette réalité”, écrit ainsi Leo Klimm dans l’article du Spiegel qui ouvre notre dossier.
Sergio del Molino, dans El País, va plus loin, qui invite à assumer collectivement la culpabilité :
“Si nous parvenons à surmonter notre peur d’être dominés par les germes de monstruosité qui sont en nous, nous pourrons ressentir une culpabilité beaucoup plus utile, qui nous fera agir au lieu de nous paralyser devant le mal. Parce que nous sommes coupables. Bien sûr que nous le sommes.”
Comment faire à nouveau confiance aux hommes ? C’est la question que pose Megan Nolan dans le New Statesman dans un texte particulièrement fort. “Pour la plupart des femmes, le plus effrayant et le plus répugnant, c’est le nombre d’hommes qui étaient prêts à participer à cette barbarie. [...]La misogynie a-t-elle jamais pris un visage aussi banal et ordinaire ?” s’interroge cette journaliste britannique.
C’est que sur le banc des accusés, loin des monstres souvent décrits pour parler des violeurs, se trouvent des “dizaines d’hommes ordinaires”, écrit la chercheuse Maria João Faustino dans Público. “Des hommes faits de la même matière que nous, élevés dans les mêmes familles et les mêmes écoles, des gens que nous reconnaissons comme nos égaux.” Même constat dans The Hindustan Times : “Nous continuons à véhiculer l’idée que les violeurs sont des monstres qui se cachent dans les ruelles sombres. Nous ne parlons pas de l’oncle qui viole pour des raisons d’honneur familial. Nous ne parlons pas des maris qui violent.”
On pourrait poursuivre à l’infini. Dans The New York Times, Elisabeth Spiers compare le procès Pelicot à l’affaire Sean Combs, aux États-Unis. “Les affaires qui font les gros titres sont invraisemblables, mais il n’en va pas de même des attitudes qui ont facilité ces horreurs et permis aux hommes de s’en sortir pendant si longtemps. Elles sont omniprésentes, même chez des hommes que vous connaissez et aimez peut-être.”
Megan Nolan à nouveau :
“Je regarde autour de moi et je ne sais plus à qui faire confiance, je ne sais plus qui est complice et qui ne l’est pas. J’éprouve ce sentiment étrange et glaçant que les hommes, en tant qu’individus, et les autres hommes, en tant que menace abstraite, se confondent, et qu’il est impossible de les distinguer les uns des autres.”
Des textes à lire absolument. Nous reviendrons bien évidemment sur ce procès emblématique (qui doit durer jusqu’au 20 décembre) sur notre site et dans l’hebdomadaire.