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Taxe sur les transactions financières : l'Europe avance à reculons

•Le projet de taxe sur les transactions financières devrait se limiter aux actions dans un premier temps.•Ses adversaires ont mené un lobbying intense.

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Par Marina Alcaraz, Anne Bauer

Publié le 6 mai 2014 à 01:01

Une taxe sur les transactions financières (TTF) qui soit une véritable taxe Tobin ne verra jamais le jour. Ce projet, pourtant chaudement défendu par maints gouvernements afin de faire payer à la finance ses errements coûteux pour le contribuable, perd en substance à chaque réunion ministérielle. Hier, les ministres des Finances des onze pays (1), qui s'étaient entendus à l'automne 2012 pour la mettre en oeuvre, se sont réunis pour faire le point sur leurs intentions. Le ministre français des Finances, Michel Sapin, a promis qu'un « pas décisif et ambitieux » sera annoncé aujourd'hui aux 28 ministres des Finances réunis à Bruxelles. « Nous proposerons une entrée en vigueur de la taxe en 2016 et notre projet concernera les actions et quelques produits dérivés à définir d'ici à la fin de l'année », a-t-il précisé.

Plus mesuré, le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaüble, ne laisse guère entrevoir un pas ambitieux. « Les possibilités, les intérêts, la situation de chacun des pays participants sont si différents que, dans un premier temps, nous ne pourrons instaurer qu'une taxation limitée aux actions et à quelques dérivés d'actions.» , a-t-il regretté à son arrivée à Bruxelles.

Autrement dit, la taxe sur les transactions financières se résume plus ou moins au vieil impôt de Bourse ou à l'actuelle taxe française et ne correspond plus du tout à son objet : être un impôt très faible sur une large base, qui freine la spéculation, notamment le trading haute fréquence, et génère des recettes substantielles. Cette TTF est très loin du projet déposé par la Commission en septembre 2011, qui proposait de taxer toutes les transactions financières à raison de 0,1 % sur les actions et obligations et de 0,01 % sur tous les produits dérivés.

Euronext, objet de chantage

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« C'est un trompe-l'oeil avant les élections européennes, mais il n'y a rien de concret », s'indigne Alexandre Naulot, chez Oxfam. Au final, le projet ne représenterait qu'entre 5 et 6,4 milliards d'euros au lieu de 34 milliards de recettes, initialement promises par la Commission.

Certes ce projet n'a jamais fait l'unanimité au sein des Etats membres, la Grande-Bretagne saisissant même la Cour européenne de justice pour faire barrage. Mais, vaillante, la Commission avait jusqu'alors contourné les obstacles. En février 2013, elle a proposé de passer par la procédure de coopération renforcée, pour mettre en oeuvre la TTF. En avril 2013, la Grande-Bretagne a déposé plainte, avant d'être déboutée la semaine passée par la Cour du Luxembourg. La situation ne manque pas de piquant : la première étape de la TTF, sur laquelle se sont mis d'accord les onze ministres, est moins ambitieuse que l'imposition pratiquée par les Britanniques sur les échanges d'actions et les obligations, appelées « stamp duty ».

La chancelière Angela Merkel avait pourtant promis aux sociaux démocrates de l'appliquer. C'est négocié noir sur blanc dans l'accord de coalition. Le gouvernement socialiste français a repris ce projet maintes fois réclamé par les députés, y compris de droite. Mais, au fil des discussions techniques, chacun a exprimé ses craintes, la BCE contre un frein à la liquidité, les Espagnols contre le coût sur les emprunts d'Etats, la France contre la taxation de tous les dérivés, etc... pour aboutir au plus petit commun dénominateur. Le lobbying (lire ci-contre) a donc eu en grande partieraison des ambitions politiques. Les banques ont ainsi fait du dossier Euronext un objet de chantage, conditionnant leur entrée au capital de l'opérateur boursier à une taxe allégée.

« Ce sont les gouvernements socialistes français et italiens qui l'ont le plus mal défendue, face à un ministre conservateur allemand plus volontarisme, se désole Sven Giegold, eurodéputé vert allemand.


La taxe française devrait rapporter environ 700 millions

La taxe sur les transactions financières en France, mise en place depuis l'été 2012, devrait rapporter 702 millions d'euros en 2014. En 2013, elle a généré environ 780 millions d'euros, soit presque deux fois moins qu'initialement prévu. Cette taxe touchant les grandes capitalisations présentes en France a pesé sur les volumes. Selon l'Autorité des marchés financiers, elle a réduit de 9,5 % les échanges entre août 2012 et juillet 2013. Des investisseurs ont cherché à contourner la taxe en choisissant des valeurs étrangères d'un même secteur. D'autres en utilisant des produits dérivés.

Anne Bauer Marina Alcaraz

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