Une infime partie des tissus qui ne sont plus utilisés sont recyclés : "moins de 0,5%", selon des chercheurs de l’Université du Delaware (États-Unis). Ainsi, la majeure partie du textile utilisé finit incinérer ou dans des décharges.
Le recyclage des textiles, un enjeu environnemental majeur
En 2021, 113 millions de tonnes de fibres textiles ont été produites. Si ce rythme se poursuit, 149 millions de tonnes de fibres devraient être produites en 2030. Le recyclage de ces textiles constitue un enjeu environnemental majeur. En effet, le nombre de déchets annuels mondiaux liés au textile est estimé à 92 millions de tonnes : une véritable source de pollution.
Le recyclage mécanique est aujourd’hui la technique la plus utilisée pour recycler du textile. "Pourtant, il ne peut pas traiter les textiles multifibres (qui sont composés de plusieurs fibres comme celles de coton, polyester et nylon, ndlr) les additifs, ou les colorants", expliquent dans une étude une équipe de chercheurs américains menée par Sunitha Sadula, responsable de laboratoire au Centre de catalyse pour l'innovation énergétique de l’Université du Delaware et Dionisios Vlachos, directeur de l'Institut de l'énergie de l'Université du Delaware.
Ce type de recyclage dégrade également la qualité de la fibre, pour créer des produits de moindre valeur tels que "le rembourrage de matelas" (mousse de polyester). C'est pourquoi cette équipe de chercheurs a inventé une technique de recyclage chimique de textile mixte. Elle expose ses travaux dans la revue Science Advances.
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Une décomposition des fibres en seulement 15 minutes !
Les chercheurs expliquent vouloir décomposer les fibres de polyester issues de textiles mixtes (textiles fabriqués à partir de différentes fibres, par exemple avec des fibres de coton, de nylon et de polyester). Il est plus difficile de recycler des fibres de polyester quand elles sont mêlées à d'autres fibres dans un même textile, car il faut les extraire des autres types fibres pour pouvoir les recycler, les revaloriser en objets plus nobles que la mousse de rembourrage par exemple.
Le premier morceau de textile contenait du polyester, du nylon, de l’élasthanne et du coton.
Pour décomposer ce textile, les chercheurs ont utilisé un solvant, l’éthylène glycol, un catalyseur, l’oxyde de zinc (qui va simplifier la décomposition), et un réacteur à micro-ondes (Monowave 450). Celui-ci va permettre de chauffer le mélange entre le textile, l’oxyde de zinc et l’éthylène glycol.
Cette expérience a été réalisée sous une température de 210°C et les fibres de polyester se sont complètement dégradées en monomères de Bis(2-hydroxyethyl) Téréphtalate (BHET) en 15 minutes. Les fibres d’élasthanne ont été partiellement dépolymérisées, celles de coton et de nylon sont restées intactes. Pour séparer les fibres de coton et de nylon, les scientifiques ont utilisé une dissolution par solvant. Le type de solvant employé pour séparer ces fibres n’est pas précisé dans l’étude.
Monomères, polymères et dépolymérisation
- Les monomères sont des molécules simples.
- Les polymères sont composés de monomères, de plus petites molécules identiques.
- La dépolymérisation est le procédé qui dégrade les polymères en monomères.
Une technique qui permettrait "d’atteindre un taux de réutilisation des textiles de 88%"
Des tests contrôles ont également été effectués sur des textiles constitués à 100% de polyester, à 100% de coton et à 50% de polyester/50% de coton pour pouvoir vérifier l’efficacité de cette technique en fonction des différents types de fibres.
En répétant la même expérience sur ces textiles, ils ont constaté que la dépolymérisation du textile "100% polyester" était complète ; pour le textile "100% coton" il n’y a pas eu de dépolymérisation, mais une légère perte de masse et pour le "50/50 mixte de polyester et de coton" il y a seulement eu une dépolymérisation du polyester.
Des expériences utilisant la méthode de glycolyse (la réduction des polymères en monomères en utilisant du glycol) ont pareillement été effectuées sur des textiles teintés de différentes couleurs (bleu, jaune, rouge), contenant des additifs ou des impuretés. De plus, ils possédaient différentes propriétés : "anti-microbien, antistatique (utilisé en tant que barrière contre d'éventuelles charges électriques et utiles dans des endroits à risques d'explosion liés à la pétrochimie ou encore l'électronique, ndlr), résistant aux ultraviolets, résistant au feu et aux taches d'eau".
À la suite de ces expériences, l’équipe de chercheurs a observé que les diverses teintures et propriétés des textiles interféraient dans la glycolyse. Ils ont remarqué que le taux de BHET après la glycolyse était inférieur à celui ayant été effectué sur un textile de polyester non teinté et sans propriétés particulières.
D'autant plus que les textiles résistants au feu et aux ultraviolets (UV) ont eu eux un impact négatif sur la glycolyse. Les textiles résistants au feu comportaient du phosphore formant du charbon lors de l'expérience et l'hydrophobie des textiles résistants aux UV ont empêché le procédé de glycolyse, de séparation des fibres.
Toutefois, les chercheurs de l’Université du Delaware estiment qu'en affinant et en améliorant encore ce processus, ce procédé permettrait "d’atteindre un taux de réutilisation des textiles de 88% à l’échelle mondiale".