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Par Nathalie Van Praagh
Publié le 21 octobre 2024 à 11h13
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Il n’a fallu que cinquante ans pour que 73 % des vertébrés sauvages qui peuplent la planète voient leur population décliner. Les espèces d’eau douce sont les plus touchées (à 85 %), suivies par les espèces terrestres (69 %) et marines (56 %), relate le récent rapport « Planète vivante » du WWF que le Fonds mondial pour la nature publie tous les deux ans.
Il ne faut pas aller chercher bien loin pour s’en rendre compte. Le rapport « Rivières vivantes », publié en mai par l’antenne française de l’ONG, atteste d’une forte régression, en vingt ans, des truites dans les rivières de France (-44 %) et du grèbe huppé, grand oiseau plongeur dont la population a dégringolé de 90 % sur la même période.
« On a élargi, approfondi les cours d’eau, on les a rendus rectilignes, ce qui a eu un impact direct sur la biodiversité. Mais aussi sur d’autres services que nous rendent ces cours d’eau : la protection contre les inondations, le stockage d’eau en phase de sécheresse. On a transformé le cycle de l’eau en l’accélérant », observe Fanny Rouxelin, directrice du pôle biodiversité terrestre à WWF France.
Les causes relèvent invariablement des activités humaines.
En Guyane, la population de tortues luth accuse un recul de 95 % en vingt ans en raison « du braconnage, de l’érosion des zones de ponte et surtout des prises accidentelles par les engins de pêche », renseigne Fanny Rouxelin. L’ONG travaille sur place « avec les acteurs de la pêche pour qu’ils emploient un matériel empêchant ces prises accidentelles » et « sur la pêche illégale aussi ».
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Le tableau général est très préoccupant : à cause du braconnage, l’éléphant de forêt d’Afrique est menacé d’extinction, le dauphin rose de l’Amazone s’enchevêtre dans les filets de pêche, le manchot jugulaire, en Antarctique, souffre du réchauffement climatique et de la raréfaction du krill, un crustacé aux allures de crevette dont il se nourrit… Mais ce que l’homme a défait, détruit souvent, il peut aussi le réparer.
Fanny Rouxelin cite l’exemple du lynx, qui avait disparu du paysage dans les années 1970. « Aujourd’hui, la France compte entre 150 et 200 individus grâce aux efforts de conservation. Cette espèce est victime à la fois de la destruction illégale de leur territoire, de leur habitat, d’un manque de diversité génétique car c’est une toute petite population mais aussi des collisions sur la route. Pour réduire ce risque, nous mettons en place des radars à faune dans le Jura pour que les automobilistes lèvent le pied et des panneaux d’informations autour des points noirs pour lutter contre cette surmortalité. »
Le WWF s’appuie également sur 200 collecteurs bénévoles qui relèvent les traces, les indices – poils, déjections… – permettant de « nourrir une meilleure connaissance de l’état des animaux et d’aider à rendre pérenne cette population encore très fragile ».
Faut-il rappeler encore et toujours à l’homme que son destin dépend du vivant et de sa bonne santé ? « La biodiversité est notre capital pour notre subsistance, pour nous nourrir, pour boire de l’eau. Mais aussi pour son rôle tampon. Les zones humides et les cours d’eau ont un rôle prépondérant dans la gestion des inondations comme des sécheresses. Les récifs coralliens, en cassant les vagues, limitent l’exposition des populations aux tempêtes. Les forêts, qui stockent le carbone, atténuent le changement climatique », rappelle Fanny Rouxelin.
Il est important de dire qu’un monde sans biodiversité perd sa poésie, et le sens même de nos existences, de la transmission aux générations futures s’effondre aussi .
Certaines espèces, dites parapluies, permettent, par leur simple existence, « à tout un éco-système de vivre », poursuit-elle. « Le lynx, par exemple, chasse des petits cornidés qui contribuent, en broutant, à régénérer la forêt. La présence du prédateur régule les herbivores, qui régulent eux-mêmes la capacité des végétaux à se renouveler. Si l’un des maillons se brise, c’est toute la chaîne qui va être interrompue. »
Le changement climatique est en passe de devenir la première cause du déclin de la biodiversité. Ainsi, le réchauffement des eaux et l’acidification des océans contribuent au blanchissement des coraux. Le Giec estime que l’on pourrait perdre 90 % du corail mondial d’ici quelques décennies. « Il s’agit d’un point de bascule, autrement dit une situation irréversible, alerte Fanny Rouxelin. Avec des conséquences sur l’éco-système lui-même, et tous les poissons qu’il abrite, mais aussi sur les populations qui en dépendent pour leur subsistance. Cela représente 330 millions de personnes. »
La XVIe Convention sur la diversité biologique (COP16) s’ouvre lundi 21 octobre et jusqu’au 1er novembre. Elle réunit à Cali, en Colombie, des dirigeants du monde entier auxquels WWF demande de respecter leurs engagements pris à la COP15 prévoyant notamment la protection de 30 % des terres et de 30 % des mers à échéance 2030.
« À ce jour, seulement 20 États, dont la France, sont signataires d’une stratégie de biodiversité. Et dans les plans qu’on observe, les objectifs fixés sont défaillants tandis que les périmètres et les financements sont très insuffisants », alerte Fanny Rouxelin. « Nous demandons à ces mêmes gouvernements de cesser les subventions dommageables à la nature, en faveur des énergies fossiles, des industries chimiques, des cultures intensives… En Europe, cela représente 34 à 48 milliards d’euros. La France doit être exemplaire, elle doit agir en premier lieu. »
Nathalie Van Praagh
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