L’abbé Pierre en érection : l’œuvre choc de James Colomina, exposée à Toulouse, pour dénoncer les abus dans l’Église

Odeur d’encens, chants liturgiques en latin, murmures des passants… L’ambiance est très religieuse ce vendredi après-midi dans l’église désacralisée du Gesù, dans le quartier des Carmes à Toulouse. Pourtant, le chariot mortuaire placé à la place de l’autel, au bout de l’allée, accueille un objet inattendu : une œuvre inédite de l’artiste toulousain James Colomina.

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Cette création dépeint l’abbé Pierre sur son lit de mort, en érection, et est intitulée Silentium, qui signifie "silence" en latin. "Ça interpelle, c’est un message fort, confie une passante. On comprend le symbole du titre, qui fait référence au silence de l’église sur ce genre de sujet." Le fondateur d’Emmaüs, mort en 2007, est accusé d’agressions sexuelles et de comportements inappropriés.

En résine blanche et avec de vrais cheveux, la statue est saisissante par son réalisme. Seule la tête de l’homme dépasse du linceul blanc. Et sous le drap, un détail attire l’attention : une bosse marquant un rappel des réalités sordides, souvent passées sous silence, des abus au sein de l’église.

"Il faut parler de ces scandales"

"La statue fait bien écho à l’actualité, il faut parler de ces scandales, qui sont trop graves et qui passent trop vite sous les radars", témoigne Camille, venue découvrir l’œuvre. Même constat pour Geneviève : "C’est important que les artistes interviennent sur ce genre de sujet. S’ils ne le font pas, personne ne le fait. On espère que ce geste fort va faire parler."

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Et c’est bien pour susciter des réactions que l’artiste a installé cette création en plein cœur d’une église. Aujourd’hui désacralisé, le lieu appartient à la municipalité. Pour renforcer l’atmosphère, des chants liturgiques en latin résonnent, soulignant le caractère solennel de l’installation. James Colomina confie : "J’ai longtemps cru que les symboles sacrés devaient demeurer intouchables. Si l’église a tenté de dissimuler certaines vérités, il incombe alors à la société de lever le voile".

Une œuvre visible seulement deux jours

"Je ne sais pas trop quoi en penser, confie Paul, un autre visiteur. Mais c’est bien que ça provoque, c’est fait pour." Les passants croisés comprennent le message. Mais sont à la fois mal à l’aise. "Je ne m’attendais pas à voir quelque chose comme ça, ajoute Maxime. Mais ça ne m’étonne pas que ce genre de sujet soit abordé."

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L’artiste opère ici un changement de style marquant en troquant le rouge, couleur souvent associée à la dénonciation dans ses œuvres de rue, pour un blanc symbolique et introspectif. Il estime que "le blanc oriente l’attention sur la forme et l’essence de la sculpture, invitant au silence et à la contemplation". Une couleur qui contraste avec la réalité sombre dénoncée par la statue. Elle ne sera exposée que deux jours, ce vendredi 1er novembre, jour de la Toussaint, avec encore ici, un haut symbole religieux, et ce samedi 2 novembre.