11-Novembre : le triste destin de 73 tirailleurs sénégalais morts pour la France… dans le Gers
À Lectoure, pendant la Grande guerre, 73 tirailleurs sénégalais, en garnison dans le Gers avec leur 141e bataillon, sont décédés. Un carré militaire leur rend hommage. Retour sur l’histoire de ces soldats.
Aujourd’hui 11-Novembre, partout en France, des commémorations sont rendues pour célébrer l’armistice signé en 1918 et rendre hommage aux Morts pour la France. Aucun village gersois ne déroge à la règle, et de nombreux monuments seront fleuris dans la matinée.
À Lectoure, on trouve un cimetière militaire particulier pour honorer les soldats de la Grande Guerre, celui que les Lectourois ont pris l’habitude d’appeler le "Carré des Sénégalais". 73 soldats décédés à Lectoure sont enterrés là. Affi Koadé, Boni Boba, Koffi Diaha, Lamine Diallo etc, peut-on lire sur les sépultures. Une partie du 141e Bataillon de tirailleurs sénégalais (BTS), arrivé en août 1918 à Lectoure pour prendre garnison, est tragiquement décédée là. Le 1er décès date d’août 1918, le dernier d’août 1919. Qu’est-il arrivé à ces soldats ?
Hiver rigoureux
"À l’issue des grandes offensives de 1918, l’état-major et le gouvernement avaient décidé de faire venir d’Afrique des renforts après avoir subi de lourdes pertes. C’étaient des jeunes conscrits qui arrivaient et qui ont été mis dans des garnisons du sud de la France, dans des régions susceptibles de les mettre dans conditions météo favorables pour faire la transition", explique le général Eric Boss, président du Souvenir français de Lomagne. "Un bataillon a été envoyé à Lectoure. À l’origine, deux bataillons devaient stationner là".
Mais les hommes qui composent le 141e bataillon ne rejoindront jamais le front. Ils seront démobilisés et rapatriés chez eux en avril 1919. L’hiver 1918-1919 est rigoureux et les tirailleurs vont souffrir des maladies dues à des intempéries auxquelles ils ne sont pas habitués. La maladie emportera 73 d’entre eux, qui restent aujourd’hui enterrés à Lectoure.
Anthony Guyon, enseignant agrégé et docteur en histoire, qui a consacré sa thèse aux tirailleurs sénégalais de 1919 à 1940, et auteur de "Les tirailleurs sénégalais. De l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours", s’est intéressé à la question. "Le Gers n’était pas destination privilégiée pour les combattants étrangers. Ils étaient plus généralement stationnés entre le Var et Menton. Il y avait bien eu un camp près de Bordeaux, mais cela a été un échec cuisant, du fait du climat océanique qui n’allait pas pour les Africains".
Concernant la garnison de Lectoure, on constate un pic de décès au cours des mois de décembre 1918 et janvier février 1919 (50 sur 73). L’hiver a été fatal à ces jeunes soldats en attendant leur retour au pays. Mais pourquoi sont-ils restés à Lectoure, jusqu’en avril 1919, alors que la paix est signée depuis 6 mois ?

"On a mis beaucoup de temps à les rendre dans leur territoire. On démobilise en priorité des troupes françaises qui sont sous les drapeaux depuis longtemps. Si ces hommes ont été recrutés tardivement, c’est normal qu’on les démobilise plus tard. Le rapatriement est très long, et justement on veut éviter un drame sanitaire en raison de la grippe espagnole. Déjà à l’aller, en 1914-1915, des épidémies se propageaient rapidement lors des envoies de troupes depuis l’Afrique. Et il y a aussi la question du coût financier", précise Anthony Guyon. "Quant aux raisons des décès, il y a évidemment la grippe espagnole qui est une possibilité. Mais c’était avant tout des soldats qui résistaient très mal au froid, qui avaient des engelures, qui attrapaient des pneumonies etc. Dès 1914 d’ailleurs, l’état-major prend la décision de retirer ces hommes d’octobre à avril du Nord pour les envoyer dans le Sud, c’est ce qu’on appelle la période d’hivernage".
Du temps
Au début, ces tirailleurs sénégalais sont inhumés à proximité du cimetière du Saint-Esprit. Ce n’est qu’en 1935 qu’un cimetière militaire est créé. "Mais après sa création, rapidement, il a été laissé à l’abandon, surtout lors de la Seconde Guerre mondiale, personne ne s’en occupait. Après la guerre, ce sont des anciens prisonniers, pendant leur temps libre, qui ont décidé de le remettre en état", raconte encore le général Boss.

"Cela a pris du temps, et petit à petit, ce carré militaire s’est amélioré. La décision a été prise par la suite de créer un monument pour ce 141e bataillon. Et plus tard, dans années 1990-2000, le cimetière a de nouveau été pris en main et refait. Le Souvenir français a participé à cette remise en état. Cela a pris du temps, mais d’un lieu archaïque au début, il y a aujourd’hui un véritable cimetière et monument pour honorer ces soldats".


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