Chômage : la France face à une vague historique de plans sociaux, 300 000 emplois menacés

  • Manifestation des salariés des usines de Cholet et Vannes pour protester contre leur fermeture, devant le siège de Michelin à Clermont-Ferrand.
    Manifestation des salariés des usines de Cholet et Vannes pour protester contre leur fermeture, devant le siège de Michelin à Clermont-Ferrand. France Bleu Pays d'Auvergne - Emmanuel Moreau2
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l'essentiel Face à la multiplication des plans sociaux et des faillites d’entreprises, le gouvernement marche sur des œufs. Se refusant pour l’instant à remettre en cause un politique de l’offre macroniste qui atteint ses limites, Michel Barnier va mettre en place une « task force » pour rassurer syndicats et patronat alors que les Français craignent une hausse du chômage.

Face à la multiplication, redoutée par le gouvernement, des plans sociaux dans les entreprises – la CGT en a cartographié quelque 200 tous secteurs confondus – le Premier ministre Michel Barnier a indiqué, dans un entretien à Ouest France jeudi dernier, que son gouvernement allait mettre en place une « task force » entre « tous les ministres concernés (travail, industrie, finances, budget…) pour apporter des réponses rapides à chaque situation particulière ». Le gouvernement est aussi « en train de demander à toutes les entreprises qui ont reçu de l’argent public ces dernières années, notamment pour surmonter les crises du Covid et de l’énergie chère, de nous dire ce qu’elles en ont fait », a ajouté Michel Barnier.

« Ça fait six mois qu’on tire le signal d’alarme » dit la CGT

Si Matignon s’empare du sujet – quitte à mettre en difficulté la composante macroniste du « socle commun » responsable de la controversée politique économique de l’offre menée depuis 2017 – c’est que l’heure est grave. Entre les plans sociaux qui s’accumulent dans tous les secteurs et notamment l’industrie, l’automobile et la chimie, et une remontée historique du nombre de faillites, c’est une alerte rouge sur l’emploi qui vient de s’allumer à côté d’autres dossiers brûlants pour le gouvernement.

Michel Barbier doit, en effet, faire face à la colère du monde agricole qui se réveille ce lundi avec un mouvement national lancé par la FNSEA et les JA, la grogne dans la fonction publique et dans d’autres secteurs, et il doit bâtir un inextricable Budget 2025 qui doit réaliser rien moins que 60 milliards d’économies pour combler le dérapage abyssal des comptes publics – un déficit de 6,1 % du PIB et 3 230 milliards d’euros de dette…

L’inquiétude sur l’emploi gagne évidemment les syndicats. « Ça fait six mois qu’on tire le signal d’alarme. En mai, la CGT a publié une liste des 130 plans de licenciement en cours. Personne n’en a rien eu à faire… On a interpellé tous les politiques, etc. Silence de mort. Là, aujourd’hui, on est quasiment à 200 », estimait la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, jeudi dernier lors d’un « Face aux lecteurs » à La Dépêche.

« Nous, ça ne nous étonne pas du tout. On avait dit et on l’a expliqué pourquoi, en fait, cette situation économique est le résultat, le signe du naufrage de la politique de l’offre d’Emmanuel Macron. Cette politique de l’offre, elle coûte un pognon de dingue », a fustigé Sophie Binet. Selon Thierry Millon, directeur d’études de la société Altares, qui recense tous les dépôts de bilan, « nous nous acheminons cette année vers le chiffre de 67 000 défaillances (d’entreprises). C’est une situation que notre économie n’a jamais connue » a-t-il déclaré à L’Humanité, estimant que la totalité de ces faillites menacerait 300 000 emplois, notamment en raison de « l’effet domino sur les fournisseurs. »

Inquiétude des ETI et des PME

Du côté des entreprises, plongées dans l’incertitude depuis la dissolution et qui ne savent pas quel cadre fiscal émergera du Budget 2025, l’inquiétude est vive d’autant que le contexte économique international se tend avec le retour d’un Donald Trump plus isolationniste que jamais.

« Alors que l’activité est déjà sévèrement affectée, que les perspectives à court terme sont en berne, le projet de budget pour 2025 et les débats qui accompagnent son examen au Parlement promettent une augmentation significative du niveau de prélèvements obligatoires sur les ETI (entreprises de taille intermédiaire). Si celle-ci venait à être confirmée, il serait à prévoir des conséquences potentiellement redoutables sur la capacité des ETI à continuer de créer des emplois, investir dans l’innovation et dans la transformation, ce qui compromettrait celle du pays à continuer de cueillir le fruit des mesures de compétitivité initiées ces dernières années, mais aussi à redresser ses finances publiques », estime le récent 14e baromètre Palatine-METI du financement des ETI.

Du côté des PME, 46 % des dirigeants comptent investir cette année, une proportion en baisse de 4 points sur le trimestre et de 11 points sur un an, selon le dernier Baromètre Bpifrance Le Lab – Rexecode.

Le retour de la TVA sociale

La situation a fait monter au front hier le président du Medef Patrick Martin. Dans une interview au Parisien, celui qui assurait fin septembre que les entreprises – qui perçoivent quelque 200 milliards d’euros d’aides publiques sans conditions – étaient prêtes à payer plus d’impôts, martèle désormais qu’ « il faut choisir entre hausses d’impôts et création d’emplois ». « Nous ne voulons pas un euro de hausse du coût du travail » martèle le représentant des grandes entreprises qui fustige l’indexation des retraites sur l’inflation et propose l’instauration d’une « TVA sociale », vieille idée de la hausse de la TVA qui rapporterait selon lui 10 milliards d’euros si elle était augmentée d’un point.

Le gouvernement, qui n’envisage pas pour l’heure de TVA sociale, s’est dit, hier par la voix du ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, « prêt à ce que seulement la moitié, 2 milliards d’euros, puissent être demandés aux entreprises » au lieu des 4 milliards de réduction des allègements de charges patronales initialement présentée dans le budget.

Mais le gouvernement reste pris entre la nécessité d’accompagner au mieux les salariés victimes de plans sociaux, l’obligation de trouver des fonds pour combler les déficits et le souhait de ne pas pénaliser la compétitivité des entreprises. Un casse-tête qu’il va vite falloir résoudre pour éviter une hausse du chômage que redoutent 84 % des Français.