Cognac: des salariés de la maison Hennessy en grève contre un projet d'export en vrac vers la Chine

Environ 500 à 600 salariés de la maison de cognac Hennessy, filiale de LVMH, ont fait grève mardi en Charente contre un possible projet d'export en vrac vers la Chine, censé contourner les surtaxes douanières de Pékin, a-t-on appris auprès des syndicats. Selon les syndicats CGT et FO, Hennessy prévoirait d'expérimenter l'export en cuve de son cognac afin de contourner des surtaxes évaluées à 35% sur les bouteilles vendues en Chine, deuxième marché pour ce spiritueux ultra-dépendant des exportations.
"La direction nous a dit vouloir faire des tests sur du vrac en vue d'une future mise en bouteille en Chine effectuée par un prestataire" et non plus en France, a déclaré à l'AFP Frédéric Merceron, représentant FO chez Hennessy, confirmant des informations de La Tribune. "On imagine bien les retombées au niveau de l'emploi", a-t-il ajouté, parlant de "douche froide". "C'est une première pour une grande maison. C'est un vrai doigt dans l'engrenage", a souligné Matthieu Devers, délégué CGT, qui estime que "les autres maisons vont suivre".
Le mouvement de grève en Charente, sur le site de Cognac (1.100 salariés en CDI), est reconductible, ont précisé les syndicats.
Bouteilles et bouchons
Un premier test d'exportation, d'ici fin 2024, doit mesurer si le produit reste "qualitatif" après transport, selon Matthieu Devers. "Pour nous rassurer, la présentation en CSE c'était de dire: 'on enverra les matières sèches de Cognac', c'est-à-dire la verrerie, les étiquettes, les bouchons, les cartons", a-t-il détaillé, en jugeant "aberrant" l'envoi de grandes quantités de fournitures.
Contactée par l'AFP, la maison Hennessy a indiqué qu'elle "dément formellement tout projet de délocalisation de sa production à Cognac". Elle a précisé que "l'étude à mener porterait seulement sur la prestation de mise en bouteilles, qui pourrait être provisoirement confiée à un prestataire basé en Chine, sous conditions du résultat des études à mener". À ce jour, "rien n'a encore été décidé", a-t-elle assuré. "L'objectif de la maison est de se battre sur tous les fronts pour trouver des solutions afin de préserver ses intérêts et ceux de l'ensemble de l'écosystème cognaçais", a-t-elle insisté.
La Chine impose depuis le 11 octobre aux importateurs de brandys européens (les eaux-de-vie à base de vin), dont le cognac représente 95% du total, de déposer une caution ou une lettre de garantie bancaire auprès des douanes chinoises, dans le cadre d'une enquête anti-dumping. Cette dernière est largement perçue comme une mesure de rétorsion à l'imposition par l'UE de surtaxes douanières sur les voitures électriques importées de Chine.
"Explorer toutes les pistes"
Dans un communiqué transmis à l'AFP, l'interprofession du cognac a dit ne pas vouloir "commenter les stratégies individuelles des entreprises". "Cependant, il est à noter que dans l'attente d'une solution négociée, et face à la dégradation constatée, certaines Maisons pourraient être contraintes d'explorer toutes les pistes qui leur permettraient de maintenir la présence de l'appellation sur le marché chinois", a considéré le Bureau national interprofessionnel du cognac (BNIC).