: Reportage "Ça nous a ouvert les yeux" : à Strasbourg, des lycéens participent à un numéro spécial de "Charlie Hebdo"

Un numéro de Charlie Hebdo spécial lycéen. À l'hôtel de région à Strasbourg, début décembre, c'est l'heure des finitions et de l'élaboration de la couverture. "Vous avez des crayons et tout ce qu'il faut ?", demande Riss aux élèves.

Les 14 lycéens sont côte à côte, autour de la table, aussi intimidés qu'attentifs, devant l'un des dessinateurs emblématiques de l'hebdomadaire satirique. "Il faut que ce soit comme un coup de poing, explique Riss. Il ne faut pas qu'il y ait un discours trop compliqué, sinon c'est trop long et on n'a pas le dessin. Qu'avez-vous envie de dire ?"

Il s'agit de réfléchir ensemble à la couverture, de choisir le dessin et le message à mettre en une. Inégalités femmes-hommes, pollution, résistance au terrorisme... Les jeunes sont visiblement inspirés. "Je dessine un grand crayon qui est en train de transpercer un terroriste qui est dégoûté parce que les artistes ont gagné", décrit Thibaut.

Cet élève de seconde est ravi et ému de participer à la réalisation de ce journal, en hommage aux victimes de l'attentat de Charlie Hebdo : "C'est quand même impressionnant. On peut travailler avec eux, c'est extraordinaire ! Et puis pouvoir essayer de toucher les jeunes à travers nos dessins un peu humoristiques et rigolos, c'est important parce qu'il ne faut pas que ce genre d'événement soit oublié, pour que ça ne se reproduise pas."

"Ils ont des idées marrantes"

En 2015, ces adolescents avaient 6 à 8 ans, peu se souviennent de l'attaque terroriste. "C'est fou parce que je suis carrément passée à côté de ça, donc c'est super bien pour nous les rappeler, s'exclame Fleur, 16 ans, en classe de première. Je ne me rendais pas compte à quel point c'était vraiment important et que ç'a vraiment pris un tournant. Ça nous a ouvert les yeux."

Peu à peu les dessins prennent forme, l'équipe de Charlie conseille et montre. "Après ce qui est important, c'est que ton écriture soit bien lisible. Après, moi la bulle, je peux même la balader sur les voitures, on peut regarder ensemble", explique une dessinatrice à un élève.

"Ils ont de l'inspiration. Ils ont envie de dire des choses. Et puis des fois, ils ont des idées marrantes. En tous les cas, ils ont bien saisi les problèmes de leur temps", se réjouit Riss.

Le dessinateur se dit réconforté de voir ces jeunes qui aiment dessiner avec un certain esprit critique. "C'est toujours un peu douloureux d'arriver à la date du 7 janvier. Mais en même temps, je trouve que dix ans après, il y a plutôt beaucoup de choses positives, ne serait-ce que de voir comment réagissent des lycéens aujourd'hui. Ça donne plutôt espoir."

Ce Charlie Hebdo lycéen doit être imprimé dans les prochains jours. Il sera ensuite distribué début janvier dans les lycées qui ont participé à l'opération.