Décryptage « Pau, c’est en France » : pourquoi François Bayrou prône un retour du cumul des mandats
Le Premier ministre a défendu ce mardi devant l’Assemblée son choix de rester maire de Pau, symbole d’une volonté de combler le « gouffre qui s’est creusé » selon lui entre la province et Paris.
Le message ne pouvait être plus clair : en présidant lundi soir le conseil municipal de Pau (Pyrénées-Atlantiques), François Bayrou a signifié sa volonté de cumuler sa fonction de maire avec celle de Premier ministre. Le moment ne pouvait être plus mal choisi, alors que s’allongeait le bilan des victimes du cyclone Chido à Mayotte. Et sa défense a été aussi claire que maladroite : « Pau, c’est en France ! », s’est-il exclamé ce mardi devant les députés. « Si j’avais été à la mairie du 7e arrondissement de Paris ou de Neuilly, vous auriez considéré que c’était très bien ! »
Une pratique « d’un ancien temps »
La pratique du cumul des mandats, longtemps répandue, a été combattue par Lionel Jospin, qui avait demandé en 1997 à tous ses ministres de quitter leurs mandats locaux (maire, président de conseil départemental ou régional…). Puis elle a été limitée par une loi de 2014, dont l’objectif était de diversifier le personnel politique, d’ouvrir les mandats à davantage de femmes, de jeunes et de personnes appartenant à des minorités.
Emmanuel Macron a choisi de renforcer la règle du non-cumul au nom d’une autre conception de la politique. En 2015, il annonçait son refus d’être député ou élu local, rejetant ce « cursus honorum d’un ancien temps ». Président revendiqué « hors système », jamais élu avant l’Élysée, il avait exigé de ses Premiers ministres Édouard Philippe et Jean Castex qu’ils remettent leurs mandats de maire du Havre et de Prades.
Barnier ouvre la voie
François Bayrou prend l’exact contre-pied de cette posture. Car elle est selon lui l’une des causes du « gouffre qui s’est creusé entre la province et Paris », avec des députés et ministres hors sol, légiférant et gouvernant depuis Paris un pays qu’ils connaissent mal. Il avait d’ailleurs été précédé dans cette voie par Michel Barnier, qui avait accepté le cumul pour ses ministres, et voulait exhumer les cahiers de doléances des gilets jaunes, expressions de colère contre un président jugé lui aussi hors sol.
« Nous n’avons pas le droit de séparer la province et les cercles du pouvoir à Paris », s’est défendu ce mardi François Bayrou, expliquant qu’être Premier ministre à Paris et maire à Pau relevait d’une « citoyenneté [qui] ne se divise pas ». Et il a prévenu depuis Pau les Français – et le président : « Je suggérerai aux futurs membres de mon gouvernement de garder leurs mandats et je suggérerai aux autres une petite antenne sur le terrain. » Le paradoxe est qu’il pourrait, selon un document qui a circulé ce mardi à l’Assemblée, confier la charge de ministre des Territoires et de la Décentralisation à François Rebsamen, qui vient justement de démissionner de la mairie de Dijon après près d’un quart de siècle de mandat…