Attentat contre Charlie Hebdo : douze caricatures et dessins de presse vont être étudiés dans les lycées franciliens

À l’occasion des commémorations des attentats de janvier 2015, la région Île-de-France met à disposition des lycées, sur la base du volontariat, un outil pédagogique composé de caricatures et de dessins de presse qui « ont fait la République », sélectionnés par l’association Dessinez Créez Liberté.

Paris, octobre 2021. Un hommage à Samuel Paty, professeur décapité après avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves, s'était tenu place de la République. LP/Philippe Lavieille
Paris, octobre 2021. Un hommage à Samuel Paty, professeur décapité après avoir montré des caricatures de Mahomet à ses élèves, s'était tenu place de la République. LP/Philippe Lavieille

    Ils faisaient leurs premiers pas à l’école primaire lorsque les frères Kouachi ont perpétré, le 7 janvier 2015, l’attentat terroriste contre le journal satirique Charlie Hebdo, cible de menaces djihadistes depuis la publication de caricatures du prophète Mahomet en 2006.

    Une décennie plus tard, la région Île-de-France lance un projet nommé Caricature et Démocratie, destiné à éveiller l’esprit critique de ces élèves, désormais lycéens, grâce à un support pédagogique articulé autour de douze dessins de presse sélectionnés et contextualisés avec le concours de l’association Dessinez Créez Liberté (DCL) et d’universitaires.



    À l’occasion des commémorations des dix ans des attentats de janvier 2015, le lancement officiel de ce programme dont peuvent se saisir — sur la base du volontariat — les équipes pédagogiques des lycées franciliens a lieu ce mardi 7 janvier, au lycée de Bezons (Val-d’Oise), en présence de Valérie Pécresse, présidente (LR) de la région Île-de-France.

    « Revenir de manière critique sur cette séquence traumatisante des attentats »

    À ce stade, une dizaine d’établissements ont confirmé au conseil régional vouloir utiliser ce support. « L’histoire récente passe souvent à la trappe dans l’enseignement, explique Pierre-Henri Tavoillot, maître de conférences et référent laïcité de la région Île-de-France chargé du pilotage de ce projet. C’est donc l’occasion de revenir de manière critique sur cette séquence traumatisante des attentats, dont la plupart des élèves n’ont peut-être pas entendu parler. »

    Le corpus de dessins et d’analyses mis à disposition des enseignants plonge toutefois beaucoup plus loin dans l’histoire. Des dessins de Charlie Hebdo sur la religion à la célèbre caricature de 1831 de « Louis-Philippe métamorphosé en poire », les thèmes de la liberté de la presse, de l’emprise des réseaux sociaux, du terrorisme ou de la laïcité y sont abordés.

    Dessin de presse de Riss, paru dans Charlie Hebdo le 18 octobre 2023 et intégré au corpus du kit pédagogique de la région Île-de-France.
    Dessin de presse de Riss, paru dans Charlie Hebdo le 18 octobre 2023 et intégré au corpus du kit pédagogique de la région Île-de-France.

    « L’axe directeur de cette opération est de montrer des grands dessins de presse qui ont fait la République, souligne Pierre-Henri Tavoillot. Le support s’appuie sur une série de caricatures et de dessins qui illustrent sous différentes facettes comment la liberté de la presse et la liberté d’expression se sont construites. » Ces séances, construites sur deux heures, sont l’occasion pour les élèves de décrire, d’interpréter et de débattre, selon une méthode proposée par DCL.

    « Établir un dialogue avec les élèves », notamment sur la laïcité

    Ce support ne risque-t-il pas pour autant de faire doublon avec le programme d’éducation morale et civique déjà obligatoire dans les lycées ? Selon Grégoire Ensel, vice-président de la FCPE, cette initiative est au contraire un renfort « bienvenu » pour développer l’esprit critique des nouvelles générations. « C’est une ressource parmi d’autres qui nous paraît de nature à faire en sorte que l’école remplisse son rôle : éduquer des citoyens capables de comprendre les grands enjeux de la démocratie française, dont la laïcité est l’un des piliers. »

    Nicolas Anoto, coordinateur éditorial de l’Unsa-Éducation, salue pour sa part « une bonne initiative » qui propose des « ressources clés en main et adaptées » permettant « d’engager le dialogue », notamment sur la question de la laïcité. « C’est un sujet sur lequel les enseignants ne vont pas toujours se sentir à l’aise car il crée beaucoup de remous dans la société », observe-t-il.



    Dans le cadre du projet Caricature et Démocratie, plusieurs interventions d’avocats, de juristes ou de journalistes ont ainsi été programmées dans différents établissements scolaires. Richard Malka, Raphaël Enthoven ou encore Caroline Fourest devraient en faire partie.

    « Le but n’est pas de porter la bonne parole mais d’établir un dialogue avec les élèves », insiste Pierre-Henri Tavoillot. Voire, quand le temps le permet, de les pousser à se frotter à l’exercice du dessin de presse pour « éprouver la difficulté non seulement de dessiner mais de faire des dessins drôles ». Le coût du projet s’élève à 21 500 euros, soit le montant de la subvention votée par le conseil régional d’Île-de-France pour l’association Dessinez Créez Liberté.