Destin biologique ou conditionnement genré ? Le corps des hommes a grandi deux fois plus vite que celui des femmes en un siècle. Une étude lève le voile sur les différents facteurs de cette évolution.
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Au cours du XXème siècle, les hommes ont grandi et gagné en poids deux fois plus vite que les femmes. C’est le constat d’une nouvelle étude menée par un groupe de chercheurs de l’Université de Roehampton à Londres. Ces derniers ont rassemblé des données provenant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), d’autorités étrangères et de registres britanniques afin de comprendre comment les conditions de vie des hommes et des femmes ont influencé leur taille et leur poids depuis 1900.
Les écarts se sont creusés
Femmes et hommes confondus, tous les humains ont grandi et grossi avec l’amélioration des conditions de vie. Mais si les différences physiques, de taille et de poids, entre les hommes et les femmes existaient déjà au début du XXe siècle, ces écarts se sont creusés de plus en plus. L’étude observe qu’entre 1900 et aujourd’hui, les femmes ont grandi de 1,7 centimètre en moyenne et ont gagné 2,7 kilos. Pour les hommes, ces proportions doublent : +4 centimètres et +6,5 kilos. Zoom sur le Royaume-Uni : au cours de la première moitié du XXe siècle, la taille moyenne des femmes est passée de 159 cm à 162 cm (soit +1,9%) quand celle des hommes a augmenté de 170 cm à 177 cm (soit +4%).
« Pour mettre cela en perspective, environ une femme sur quatre née en 1905 était plus grande que l’homme moyen né en 1905, mais ce chiffre tombait à environ une femme sur huit pour celles nées en 1958. », précise le chercheur Lewis Halsey, cité par The Guardian. Comment expliquer une telle différence dans l’évolution physique des hommes et des femmes ?
L’enjeu de la reproduction
D’abord, la théorie de l’évolution et l’enjeu de la reproduction. Dans un article publié dans la revue Biology Letters, les chercheurs de l’Université de Roehampton estiment probable que les femmes soient davantage attirées sexuellement par les hommes grands et musclés. Afin d’optimiser leurs chances de se reproduire, les hommes s’allongeraient naturellement au fil du temps.
« Les femmes peuvent trouver la taille des hommes attirante parce que cela les rend potentiellement plus redoutables, mais aussi parce qu’être plus grand suggère qu’ils sont bien faits », détaille Lewis Halsey. Pour les hommes aussi la taille des femmes a son importance. Sauf qu’à l’inverse, ils sont moins attirés par les femmes grandes, comme le démontre une étude publiée sur le site ScienceDirect. Dans son ouvrage Hommes grands, femmes petites: une évolution coûteuse (éd MSH, 2008), la sociologue Marie Buscatto pointait aussi du doigt le stigmate socio-culturel qui touche les femmes grandes, c’est-à-dire celles qui mesurent plus d’1m77. Pour la société, leur grande taille les font sortir de la norme. Elles ne collent plus à l’image d’une petite chose fragile à protéger et sont donc, en moyenne, moins attirantes pour les hommes, plutôt conditionnés à adopter une posture de protecteur. La sociologue révèle que certaines femmes sont même prêtes à prendre des traitements chimiques pour stopper leur croissance. Pour les hommes comme pour les femmes, la taille compte.
Les biais de genre conditionnent les habitudes alimentaires
Autre facteur : l’alimentation. « Nous découvrons comment la sélection sexuelle a façonné le corps de l’homme et de la femme et comment l’amélioration de l’environnement, en termes de nourriture et de réduction du fardeau des maladies, nous a libérés de nos entraves », observe Lewis Halsey. L’amélioration des conditions de vie et de l’alimentation a permis aux hommes comme aux femmes d’allonger leur durée de vie, de grandir davantage et de gagner en poids.
Cependant, si les hommes et les femmes avaient des habitudes alimentaires identiques, égales, n’auraient-ils pas suivi la même trajectoire évolutive au fil du siècle ? « L’investissement des hommes dans une plus grande taille corporelle semble être sensible aux conditions nutritionnelles », estime le professeur Michael Wilson de l’université du Minnesota et précise que : lorsque les hommes grandissent avec des aliments plus riches en énergie, ils développent des corps plus gros, dans une plus grande mesure que les femmes ».
Besoin nutritif différents ou conditionnement genré de l’alimentation ? Si l’étude n’apporte pas d’éclairage sur cette question, l’essai Mangeuses, histoire de celles qui dévorent, savourent ou se privent à l’excès (Les Pérégrines, 2023) de Lauren Malka esquisse un début de réponse. Dans son ouvrage, la journaliste décortique le rapport des femmes à l’alimentation. Dans son viseur : les injonctions à la minceur. Culpabilisées et considérées comme “gloutonnes“, les femmes ont intégré l’idée de manger moins. En cela, l’alimentation participe à cette inégalité de développement physique entre les femmes et les hommes.
Les femmes « plus contraintes écologiquement »
Selon l’étude, un dernier facteur participe à cet écart physique entre les hommes et les femmes. Ces dernières seraient « plus contraintes écologiquement », notamment en raison de leur corps capable de porter un enfant. Cité par The Guardian, Michael Wilson ajoute que la grossesse et l’allaitement sont « coûteux en énergie » et qu’ils constituent un frein à la croissance du corps des femmes.
Transformations physiques naturelles ou biaisées par les stéréotypes de genre ? Une nouvelle théorie genrée de l’évolution doit être étudiée.
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