Ce n'est certes pas la plus surveillée des pollutions, en particulier dans les pays aisés où ses conséquences les plus fréquentes – diarrhées et déshydratation – sont gérées correctement par le système de santé. Ailleurs dans le monde, cependant, la présence de sulfates dans l'eau de boisson demeure une préoccupation majeure, en particulier pour les personnes âgées et les nourrissons.
Ces composés aggravent par ailleurs la contamination de l'eau par l'arsenic, tout en accélérant la libération de métaux lourds au niveau des canalisations.
Rien qu'aux États-Unis, les coûts liés à la corrosion des systèmes d'approvisionnement en eau sont ainsi estimés à 22 milliards de dollars (21 milliards d'euros), souligne un communiqué de l'université des sciences et technologies de Hong Kong (HKUST).
Un "goût désagréable"… ou pire
"Des niveaux élevés de sulfates peuvent entraîner des dommages écologiques en favorisant l'eutrophisation (excès de matières nutritives qui étouffe le milieu, NDLR) des masses d'eau et en libérant des nutriments nocifs tels que le phosphore", ajoute Chengyu Xiao, première auteure d'une étude publiée dans la revue Environmental Science & Technology (C. Xiao et al., 2024).
Avec ses collègues de l'HKUST, de l'université de Princeton, de la City University of Hong Kong et de l'Institut de technologie de Pékin, la chercheuse a en effet publié une carte à haute résolution (1 km) issue de l'analyse de "plus de 17 000 mesures de concentration de sulfates" à travers la planète. (Suite de l'article après la figure)

À l'aide de ce nouvel outil, les auteurs ont pu établir qu'environ 194 millions de personnes dans le monde étaient exposées à de l'eau dont la concentration en sulfates dépassait 250 milligrammes par litre (mg/l) – seuil recommandé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS). "À ce niveau de contamination, l'eau peut avoir un goût désagréable", note le communiqué.
Parmi elles, 17 millions de personnes vivent dans des régions où les concentrations dépassent 500 mg/l, des niveaux pourtant "associés à des problèmes gastro-intestinaux."
Une pollution en partie d'origine humaine
Les "points chauds" de cette pollution se trouvent notamment en Asie du Sud et en Afrique du Nord, avec des facteurs de deux types : d'un côté, les éléments naturels (régimes de précipitations, géologie sédimentaire), et de l'autre, les activités humaines (épandage d'engrais agricoles et exploitation minière), indique l'étude.
"Si les conditions géologiques naturelles dominent dans certaines régions, les facteurs anthropiques tels que les rejets industriels et les pratiques agricoles jouent un rôle plus important ailleurs" – d'où "l'importance de stratégies d'atténuation (…) spécifiques à chaque région", conclut le communiqué.
"Avec le changement climatique et l'intensification de l'urbanisation, on s'attend à ce que les dépassements de sulfates s'aggravent, mettant encore plus en péril la qualité et la disponibilité de l'eau à l'échelle mondiale", souligne Chengyu Xiao.