Société Lutte contre l'antisémitisme : le gouvernement relance des Assises pour trouver des mesures
Le gouvernement relance, ce jeudi, des Assises de la lutte contre l’antisémitisme, fléau en forte hausse depuis près de 18 mois. Après une inaction due au chaos politique traversé par le pays, de nombreuses questions se posent.
Le niveau croissant et alarmant des actes antisémites, qui ont atteint un niveau historique depuis les attaques du 7 octobre 2023 - 1 570 actes recensés en 2024 -, avait abouti au lancement, au printemps 2024, d’Assises de la lutte contre l’antisémitisme. Moins d’un an plus tard, le gouvernement relance ces Assises, autour notamment de la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne, et de sa ministre déléguée chargée - notamment - de la Lutte contre les discriminations, Aurore Bergé. Elles-ci reprennent donc ce jeudi, jour anniversaire de la mort d’Ilan Halimi, jeune juif tué en 2006.
La réalité politique, de la dissolution de juin à la censure de décembre, a tout figé pendant plusieurs mois : « Ces Assises n’ont pas vraiment commencé après leur lancement, à la suite de ces péripéties politiques », appuie Marie-Anne Matard-Bonucci. Historienne et présidente de l’association Alarmer (et de la revue du même nom), elle reprend donc du service pour conduire une partie des travaux, centrés cette année sur la thématique de l’éducation. « Les principaux éléments sur lesquels je suis interpellée, c’est ce qui se passe à l’école ou dans l’enseignement supérieur », justifie Aurore Bergé.
« Le focus fait sur la jeunesse et le milieu scolaire est intéressant puisque quand on regarde les chiffres sur l’antisémitisme, on se rend compte que pour la première fois depuis 80 ans, on a davantage d’adhésion aux préjugés antisémites chez les jeunes générations que chez les plus anciennes », complète Yonathan Arfi, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). Pour Marie-Anne Matard-Bonucci, « l’un des objectifs sera d’inventer de nouvelles formes de pédagogie sur ces sujets. On a beaucoup misé sur la mémoire de la Shoah et des génocides ces dernières années et aujourd’hui on se demande si c’était la bonne façon ».
Changement de méthode
Concrètement, la parole sera donnée ce jeudi à des jeunes, témoins ou victimes d’actes antisémites. Puis suivront deux mois et demi d’échanges et de travaux avec des membres de l’éducation nationale, des historiens, des personnes issues du milieu du droit, et à terme, des propositions remontées au gouvernement. Une méthode qui tranche avec celle des débuts, en mai 2024 où les échanges avaient directement impliqué des représentants des six principaux cultes et de plusieurs associations (Licra, SOS Racisme, etc.). Des échanges qui n’ont pas été reconduits pour ce nouveau volet. Ils avaient notamment insisté, à l’époque, pour ne pas « opposer » la lutte contre l’antisémitisme et celle contre le racisme. « Il n’y a aucune hiérarchie entre les différentes haines et discriminations », répond Aurore Bergé. « Mais on a quelque chose de spécifique par la surreprésentation de l’antisémitisme : parmi les faits anti-religieux qui nous remontent, 62 % sont des faits d’antisémitisme, alors que ça ne concerne que 1 % de la population. »
Si l’accent est particulièrement porté sur l’antisémitisme dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, tous les actes racistes restent à un niveau élevé : un million de personnes estiment en avoir subi au moins un en 2023, d’après les enquêtes de victimation de l’Insee. La même année, près de 15 000 infractions relevant du racisme, de la xénophobie ou d’actes antireligieux ont été enregistrées en France.
« On ne peut pas séparer les différents combats »
En octobre dans les colonnes du Monde, le président de l’association SOS Racisme, Dominique Sopo, s’inquiétait d’un « risque évident de schisme durable entre la lutte contre le racisme et la lutte contre l’antisémitisme ». « Aujourd’hui, il s’agit de lancer un cri d’alarme à propos de l’antisémitisme, mais ce n’est pas pour cela que les autres formes de racisme sont minimisées », assure l’historienne Marie-Anne Matard-Bonucci. « Dans les préconisations que nous ferons, de mon point de vue, on ne peut pas séparer les différents combats. » « Mon objectif, c’est que chacun se sente concerné par ce sujet », martèle quant à elle Aurore Bergé.
Alors, est-ce la bonne manière de traiter ce fléau ? Un début de réponse arrivera dans deux mois et demi. Du côté du Crif, on espère que ces Assises « permettront de sonner la mobilisation générale ». « Nous espérons que ça ne sera pas uniquement quelque chose qui reste de l’ordre de la communication, mais que cela se traduise par des moyens qui accompagnent des actes », souligne Hermann Ebongue, secrétaire général de SOS Racisme.