PORTRAIT. Procès de Joël Le Scouarnec : "Je suis un grand pervers…" qui est ce chirurgien pédiatrique accusé des pires sévices pédophiles sur ses patients
Ce lundi 24 février va démarrer l’un des procès les plus retentissants de l’histoire du pays, à l’impact comparable avec celui des viols de Mazan. Joël Le Scouarnec, ancien chirurgien aujourd’hui âgé de 74 ans, va être jugé pour des actes pédophiles perpétrés contre 299 victimes. Un procès qui va durer quatre mois, au palais de justice de Vannes.
Comment un homme au passif si ordinaire, à l’enfance apparemment sans histoire, a-t-il pu commettre des centaines de viols et agressions sexuelles sur mineurs pendant des décennies en toute impunité ? Le profil de Joël Le Scouarnec a de quoi interpeller et bousculer tous les esprits les plus solides.
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Né à Paris le 3 décembre 1950, d’un père ébéniste et d’une mère concierge qui se consacrera par la suite à l’éducation de ses trois enfants, il est l’aîné de la fratrie et connaît une enfance a priori banale, alimentée par une scolarité solide et une forme de solitude. Dès ses 10 ans, il sait qu’il veut devenir médecin. Contrairement à beaucoup de dossiers incriminant des prédateurs sexuels de grande ampleur – comme Dominique Pélicot –, il n’apparaît ainsi dans le passé de Joël Le Scouarnec aucun traumatisme d’ordre sexuel durant les 35 premières années de sa vie.
"Le pli était pris"
À cette époque, il est déjà marié, père de famille et médecin depuis cinq ans, et rien ne semble l’orienter vers le sordide destin qui va suivre. Ses terribles penchants pédophiles seraient nés, à en croire ses auditions, par sa relation avec sa petite-nièce, qui "venait souvent sur ses genoux". À partir de là, "le pli était pris", aurait-il lâché aux enquêteurs. Les premiers crimes sont commis sur deux de ses nièces, et Joël Le Scouarnec semble entamer ses viols dans le cadre professionnel, d’abord à l’hôpital de Loches, près de Tours.
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Il commence à répertorier soigneusement ses crimes dans un carnet. Nom, prénom, âge et adresse de la victime, date de l’acte, établissement dans lequel il travaille au moment des faits, et description succincte de l’agression ou du viol. Il classe et conserve tout, à la façon d’un entomologiste. Ces "carnets noirs" comme les surnomment les enquêteurs, seront retrouvés lors de la perquisition effectuée le 2 mai 2017 au domicile de Joël Le Scouarnec, à Jonzac.
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"Elle sait"
En 1996, le destin de celui qui est devenu chirurgien pédiatrique, spécialisé en gynécologie et en chirurgie viscérale, est près de basculer, à en croire ses écrits. Il est alors en poste à Vannes (Morbihan). "Elle sait", inscrit-il dans un carnet, sans autre précision, suggérant qu’une personne de son entourage – son épouse ? – aurait découvert ses déviances sexuelles, le poussant à détruire toutes traces de ses crimes passés. Cette dernière a toujours nié avoir été au courant, ni "de ses penchants", ni "de ses poupées" : "Je n’ai eu connaissance de ses cahiers qu’après son interpellation", assure-t-elle dans un entretien récent à Ouest-France. "Je me suis demandé comment j’avais pu ne pas m’apercevoir de quoi que ce soit. C’est une trahison terrible qu’il nous a faite à moi et à mes enfants", poursuit-elle.
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Pourtant, quelques années plus tard seulement, en 2004, alors que le FBI opère un vaste coup de filet international après avoir démantelé un réseau cyber de pédocriminalité, Joël Le Scouarnec fait partie des trois Français incriminés. Il justifiera à l’époque la trace laissée par sa carte bancaire sur un obscur site pédopornographique russe par une faiblesse passagère. La justice française ne le condamnera qu’à quatre mois de prison avec sursis pour détention d’images pédopornographiques, sans obligation de soin, ni interdiction d’exercer. Il sera titularisé quelque temps plus tard à Quimperlé (Finistère), mais sa femme quitte officiellement le domicile conjugal.
Libéré de ses contraintes maritales et habité du sentiment d’être intouchable, Joël Le Scouarnec continue d’autant plus d’alimenter ses sinistres plaisirs sexuels, violant, attouchant, les enfants qu’il doit soigner dans le cadre de son travail, et poursuivant ses dérives une fois chez lui. Interrogés, la quasi-totalité de ses anciens collègues jurent ne s’être doutés de rien.
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Des poupées par dizaines
Lorsqu’il est arrêté à Jonzac, au lendemain de son départ officiel à la retraite, le chirurgien vit seul dans son pavillon depuis 2008. Quelques jours plus tôt, il s’était exhibé et avait touché le sexe de sa petite voisine de 6 ans. Les autorités, chez lui, ont alors découvert, en plus des "carnets noirs", plusieurs dizaines de poupées de bébés et d’enfants, dont certaines étaient équipées de godemichés, sur lesquelles Joël Le Scouarnec assouvissaient ses pires fantasmes. Les policiers retrouvaient aussi, entre autres, des disques durs contenant près de 300 000 fichiers pédopornographiques, et des preuves d’actes de zoophilie pratiqués sur ses animaux de compagnie.
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Dans l’un de ses carnets, Joël Le Scouarnec avait résumé son parcours de vie ainsi : "Tout en fumant ma cigarette du matin, j’ai réfléchi au fait que je suis un grand pervers. Je suis à la fois exhibitionniste […] voyeur, sadique, masochiste, scatologique, fétichiste […], pédophile. Et j’en suis très heureux."
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