Non, les tablettes ne sauveront pas l'enseignement

Le gouvernement wallon a ouvert grand le portefeuille pour financer l'achat d'outils pédagogiques numériques. Et finalement, c'est un peu comme si on offrait des voitures à des gens qui n'ont pas leur permis. Opinion.

Contribution lecteur

Opinion d'une enseignante dans le primaire.

En consultant le site LaLibre.be vendredi dernier, j’ai été surprise de lire que le gouvernement wallon voudrait investir 77 millions d’euros dans des outils pédagogiques numériques. En tant que jeune enseignante, j’ai d’abord été fort satisfaite, voire heureuse de ce pas en avant dans les nouvelles technologies, malgré que cette annonce soit très (trop) proche des élections et que le hasard du calendrier n’y soit malheureusement pas pour rien.

Nous ne serons donc plus à la traine par rapport aux autres pays (et à certaines universités) qui utilisent de plus en plus de tableaux interactifs ou de tablettes numériques. Mais tous les instituteurs sont-ils en demande de ces outils multimédia dans leur classe ? Beaucoup tiennent encore à leurs craies…

Et les autres, qui sont si motivés à l’idée d’en avoir dans leurs classes, sauront-ils utiliser ces nouveaux outils à leur juste valeur ? Ou ne serait-ce pas juste pour faire beau, (s’)en mettre plein les yeux, et finalement ne faire que de la projection (que beaucoup pratiquent déjà avec ce bon vieux rétroprojecteur) ? Alors oui, la motivation des enfants augmentera certainement avec l’arrivée de ces tablettes en classe, mais encore faudra-t-il faire comprendre aux enfants que tablette n’égale pas toujours jeu, et ce ne sera pas une mince affaire.

Mais revenons-en à l’usage au quotidien de ce nouveau matériel, à la pointe de la technologie. Les enseignants devront réapprendre à apprendre, avoir une toute autre méthodologie. Certains pays, comme le Canada, sont beaucoup plus avancés pédagogiquement et arrivent à utiliser des tablettes, mais on est très loin du « papier crayon ». Il est très dur de sortir de ce que l’on connait, on sait comment apprendre à partir de notre tableau et des cahiers, mais le virtuel chamboule totalement cette façon de faire qui a évolué petit à petit depuis des siècles. Si au moins nous étions sûrs que ce bouleversement nous amènera vers un mieux…

Les preuves sur le long terme des bénéfices sur l’apprentissage des enfants ne sont pas encore faites. Est-ce que meilleure technologie rimera automatiquement avec meilleur apprentissage ? Et les petits bouts de première primaire qui apprennent à écrire une grande partie de l’année, auront-ils besoins de toutes ces jolies technologies ? Bien sûr, entrer dans une école avec tous ces gadgets, c’est superbe, mais est-ce vraiment mêler l’utile à l’agréable ? Ne serait-ce pas plutôt le contraire ?

Le mauvais exemple du supérieur

J’ai parlé autour de moi de cet article et cette action a rappelé aux plus anciens l’argent investi dans les fameuses radio-cassettes lorsque celles-ci étaient « à la mode ». L’État aurait-il à chaque fois un nouveau point de mire tape-à-l’œil où investir de l’argent ? Faut-il à tout prix investir dans l’informatique à l’école, sous prétexte qu’elle est omniprésente à la maison ?

Une fois que ce matériel sera mis en place, la direction devra mettre, si ce n’est déjà fait, le wifi dans l’école. En espérant que cela ne dérive pas. Internet est riche, mais il ne faudrait pas que cela devienne essentiel à la vie de la classe. Facebook, Twitter et tous les autres seraient à portée de clic pour tout le monde. Je vous invite à faire un tour dans un auditoire de l’enseignement supérieur, et à jeter un œil aux écrans d’ordinateur. Facebook et ses jeux sont bien souvent préférés à Word… Vraiment utile à l’apprentissage, cette technologie-là ?

Enfin, un dernier point qui me chiffonne, et pas des moindres. J’ai demandé il y a un mois pourquoi l’école ne remplaçait pas des fenêtres dangereuses dans un local. On m’a répondu que cela faisait des années qu’on demandait, mais qu’il ne fallait pas trop y penser. Trop cher, sans doute. Si j’avais le choix, je préférerais avoir des fenêtres aux normes que l’on peut ouvrir sans crainte d’assommer un enfant avant d’avoir des tablettes tactiles. Certaines classes ont des taches d’humidité, sont régulièrement en panne de chauffage, sont dans des préfabriqués par manque de place entre autres choses… Tout cela me semble bien plus préjudiciable à la qualité de l’heure de cours que l’ajout d’un gadget informatique. Alors, ne faudrait-il pas revoir les priorités ?


Vous êtes hors-ligne
Connexion rétablie...