La plage toxique de Banksy : un célèbre tableau détourné du Street Artiste bientôt aux enchères

La plage toxique de Banksy : un célèbre tableau détourné du Street Artiste bientôt aux enchères
Banksy, Crude Oil (Vettriano) (détail), 2005, huile sur toile ©Sotheby's

Le 4 mars à Londres, Sotheby's vendra un tableau rare peint par Banksy en 2005. Sensibilisation aux enjeux environnementaux, critique de l'establishment de l'histoire de l'art et subtile détournement d'une œuvre d'art… Crude Oil (Vettriano) réunit toutes les caractéristiques des œuvres du mystérieux Street Artiste.

La vente d’un tableau de Banksy est toujours un événement, et d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une peinture un peu plus ancienne. Le 4 mars prochain à Londres, Sotheby’s mettra aux enchères une œuvre rare du Street Artiste : Crude Oil (Vettriano) (2005), également appelée Toxic Beach (plage toxique en français). Issue de la collection personnelle de Mark Hoppus, chanteur et bassiste du groupe pop punk Blink-182, l’huile sur toile est estimée entre 3 et 5 millions de livres sterling (entre 3,6 et 6 millions d’euros). Ce détournement d’un célèbre tableau britannique concentre de nombreux éléments emblématiques de l’art de Banksy.

Une version dystopique d’un tableau romantique

Crude Oil (Vettriano) représente un couple en tenues de soirée en train de valser sans chaussures sur une plage désolée et venteuse. Un domestique tente de les protéger de la tempête qui fait rage à l’aide d’un parapluie. Derrière eux une scène plus grave se joue. Deux figures en combinaison de protection transportent un baril de déchets toxiques. À l’horizon, on remarque un paquebot en train de couler dans la mer. Dans cette œuvre, Banksy détourne The Singing Butler (1992) de Jack Vettriano pour créer une version dystopique d’une scène romantique. Le tableau du peintre écossais dégage une certaine nostalgie et quelque chose d’onirique, comme un moment suspendu hors du temps.

Banksy, Crude Oil (Vettriano), 2005, huile sur toile ©Sotheby's

Banksy, Crude Oil (Vettriano), 2005, huile sur toile ©Sotheby’s

Le Street Artiste ajoute à cette douce image nos angoisses contemporaines liées aux enjeux environnementaux, la pollution, le capitalisme… « Les peintures vandalisées reflètent la vie telle qu’elle est aujourd’hui, expliquait Banksy en 2005 à « Channel 4 News ». Nous ne vivons plus dans un monde comme celui de Constable et, si c’est le cas, il y a probablement un camp de voyageurs de l’autre côté de la colline. Les véritables dégâts causés à notre environnement ne sont pas causés par les graffeurs et les adolescents ivres, mais par les grandes entreprises… exactement les gens qui affichent des photos de paysages encadrées d’or sur leurs murs et essaient de nous dire comment nous comporter. »

Une critique de l’élite du monde de l’art

Le choix de cette œuvre de Jack Vettriano est également chargé d’un second niveau de lecture. Considérée comme vulgaire par les historiens de l’art et totalement absente des collections des grandes institutions, la peinture de l’artiste écossais est pourtant très populaire auprès du public. The Singing Butler fait partie des reproductions d’œuvres les plus vendues en Grande-Bretagne. Adjugé 755 800 livres sterling chez Sotheby’s en 2004, l’œuvre est même devenu le tableau le plus cher jamais vendu aux enchères par un artiste écossais, et le record pour un tableau vendu en Écosse à l’époque. Dans sa série de détournement de chefs-d’œuvre de l’histoire de l’art, Banksy le place aux côtés d’icônes telles que Les Tournesols de Vincent van Gogh, Les Nymphéas de Claude Monet ou encore Nighthawks d’Edward Hopper.

Mark Hoppus à côté du tableau de Banksy. ©Max Montgomery

Mark Hoppus à côté du tableau de Banksy. ©Max Montgomery

Ainsi, le Street Artiste critique l’élite qui dicte le goût du monde de l’art. « Pour Banksy, ce paradoxe culturel – où l’œuvre d’un artiste est vénérée par le public mais rejetée par l’élite du monde de l’art – a longtemps été une source de fascination et de critique, décrit Sotheby’s dans un communiqué. En plaçant The Singing Butler de Vettriano en dialogue direct avec Van Gogh, Hopper et Monet – des artistes fermement ancrés dans le canon institutionnel – Banksy a mis en scène une provocation délibérée, remettant en question les arbitres du goût et la nature exclusive de l’establishment artistique. »

Avant de rejoindre la collection de Mark Hoppus en 2011, Crude Oil (Vettriano) a été présentée dans la mythique exposition « Crude Oils: A Gallery of Re-mixed Masterpieces, Vandalism and Vermin » en 2005, dans une boutique désaffectée de Westbourne Grove à Notting Hill (Londres). Le Street Artiste y montrait notamment sa série de réinterprétations de chefs-d’œuvre. Étape majeure dans sa carrière, l’événement est considéré comme un manifeste de l’art de Banksy. S’il exposait ses œuvres dans un cadre plus formel que la rue, Banksy a également lâché 164 rats (symbole du Street Art), engendrant une performance/chaos dans les salles.

Banksy, Show Me the Monet, 2005 ©Sotheby's

Banksy, Show Me the Monet, 2005 ©Sotheby’s

Un record à venir ?

Le record aux enchères d’une œuvre de Banksy s’élève à 18,4 millions de livres sterling (plus de 21,8 millions d’euros) avec Love is in the bin, la célèbre toile autodétruite de l’artiste, en 2018 chez Sotheby’s. Toutefois, parmi les plus chères, on retrouve également des tableaux de sa série de détournements de l’histoire de l’art comme Sunflowers from Petrol Station, vendu 14,6 millions de dollars chez Christie’s à New York en 2021, et Show Me the Monet, adjugé 7,6 millions de livres sterling chez Sotheby’s à Londres en 2020. Crude Oil (Vettriano) pourrait donc bien nous réserver des surprises en salle de ventes.

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