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Action feministe contre les violences sexistes et sexuelles, en soutien aux victimes d abus, place de la Republique, le 21 decembre 2024
Action feministe contre les violences sexistes et sexuelles, en soutien aux victimes d abus, place de la Republique, le 21 decembre 2024
Fiora Garenzi / Hans Lucas via AFP

Sarah Barukh : "Si vous voulez sauver le monde, devenez féministes !"

8 mars

Par Sarah Barukh

Publié le

À l'approche de la Journée Internationale des Droits des Femmes, le 8 mars, l'écrivaine Sarah Barukh explique pourquoi l'émancipation des femmes profiterait à la société tout entière.

Désolée, chers fleuristes et chocolatiers, le 8 mars n’est pas la fête des Femmes mais la Journée Internationale des Droits des Femmes, dont le premier : rester vivante et si possible, libre.

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Vu les résultats en la matière, la seule raison de se jeter sur des Rochers Suchard serait le besoin de consolation. En 2024, en France, 270 000 plaintes pour violences conjugales ont été enregistrées. 1,5 femme meurt chaque jour d’un féminicide. Pour une femme sur six, le premier rapport sexuel est non consenti.

Mauvais genre

Semblerait que les Françaises douillent pas mal. Mais a-t-on raison d’exploiter des données genrées dans une époque où le genre n’a pas la cote ?

Oui. Parce que :

  • 99 % des coupables de viols ;
  • 90 % des pédocriminels ;
  • 90 % des auteurs de violences conjugales ;
  • 96 % des incarcérés ;

sont des hommes*. La violence est majoritairement masculine dans nos sociétés démocratiques, et ce n’est rien face aux régimes totalitaires politiques, culturels ou religieux qui visent toujours les femmes, leur corps et leur liberté en premier.

Quand on a dit ça, généralement, les lecteurs et certaines lectrices passent à autre chose. Pour eux, le féminisme est le problème d’agitées castratrices, et si le politiquement correct exige qu’on fasse mine de s’y intéresser, il semble plus urgent de s’attaquer aux narcotrafics, à l’ultraviolence des jeunes, l’ensauvagement, les OQTF et autres sujets qui campent les unes des journaux. Comprendre : y’a plus urgent que des hystériques.

Comme un nez au milieu de la figure

Pour autant ne pas voir le lien entre les violences de l’intime et les « problèmes sérieux du monde » me semble le meilleur moyen de passer à côté du sujet. Dans le jeu des sept familles de menaces françaises « légitimes », nous proposons à titre d’exemple, le terrorisme islamiste. Lorsque l’on interroge des jeunes radicalisés sur leur enfance, on retrouve les mêmes parcours : abandon parental (souvent le père), psychoses infantiles dues à des abus sexuels, des humiliations, de la violence intrafamiliale, absence de repères éducationnels, de figures d’autorité, des défaillances qui créent le besoin de se voir attribuer plus tard une mission claire, « virile ». Un rôle leur permettant d’acquérir le respect d’un groupe (et donc la société).

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Il s’agit rarement au départ d’une adhésion intellectuelle à une spiritualité. La radicalisation apparaît comme une réponse au désœuvrement intérieur. C’était le cas de Merah, des Kouachi et tant d’autres.

Nombre d’études pointent aussi le lien entre radicalisation et misère sexuelle, à commencer par les 72 vierges offertes aux « martyrs ». Le mode de vie islamiste apparaît comme une réponse apaisante aux filles pour qui être une femme libérée, c’est vraiment trop difficile. Les témoignages des Françaises parties en Syrie sont édifiants : elles préfèrent un mari imposé plutôt que le célibat ou la menace d’être accusée de dépravation si elles assument leurs désirs sans le totem d’immunité de la burka. Quant aux garçons, la charia est un gage de virilité : plus besoin de se tracasser avec l’égalité des droits nuisible à la « puissance masculine » dans un apartheid sexuel.

Allo maman bobo

Lorsque j’interviens auprès de récidivistes de violences conjugales en prison, les ressorts personnels sont les mêmes que pour les radicalisés. Les biographies des grands tyrans de l’Histoire ou des célèbres narcotrafiquants cochent aussi les mêmes cases.

Toujours ou presque, les failles narcissiques de la jeunesse forment le terreau de la violence, seule manière accessible de panser les complexes, le manque de repères sexuels et le manque d’amour parental. Il ne s’agit pas d’excuser la violence mais de la comprendre pour la combattre. On n’est pas responsable d’être malade, on l’est de ne pas se soigner. Or, il ne suffit pas de s’attaquer au mal à la racine par les mots ou les manifs en violet, il faut agir chez soi.

Des enfants qui grandissent dans un foyer orthodoxe chrétien, juif, musulman ou autre, où la mère n’a pas le même statut que le père, où son travail compte moins, où elle doit couvrir tout ou partie de son corps parce qu’au fond, elle est considérée comme responsable du désir qu’elle suscite, auront inscrit en eux le principe d’inégalité des genres et de soumission de la femme. Les deux vont de pair. Il ne s’agit pas de liberté de pratiquer un culte mais du message éducatif que les religions suscitent sans avis critique. Partout, toujours, lorsqu’on ne fait pas violence aux textes sacrés, on fait violence aux femmes. En cela, la laïcité est une arme féministe majeure.

Infériorisation de la femme

Bien sûr, la religion n’est pas le seul problème. Le principe est le même chaque fois qu’un chef de famille est (auto)proclamé. Qui dit suzerain dit vassaux et qui dit « bon père de famille » dit infériorité de la mère. Le chemin vers l’objectivation du féminin n’est jamais loin, à des degrés variés certes, mais toujours latent. Et un jour, certains peuvent décider de droguer leur femme pour exploiter leur corps endormi.

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La violence faite aux femmes génère le déséquilibre familial, qui génère les failles intérieures. On ne demande donc pas d’être « gentils avec les dames » mais de lutter contre les menaces envers nos sociétés dont la source réside en la violence systémique faite aux femmes. En gros, si vous voulez sauver le monde, devenez féministes ! N’ayez crainte, ce n’est rien de plus qu’un humanisme qui prend aussi en compte l’autre moitié de l’humanité.

***

* Chiffres : Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes

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